Anthony Smith, 918 jours de combats

Nancy (54) |

Mardi 5 décembre, de 18 h à 21 h, à la salle Michel Dinet de Malzéville, Anthony Smith, inspecteur du travail, dédicacera son livre.

« Chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes »
— Martin Luther King

Un monde du travail sans délinquant-es

Anthony a été la cible de son employeur, parce qu’il effectuait son travail, tout simplement. Ce n’est pas la première fois que le pouvoir en place désavoue les fonctionnaires chargé du contrôle du travail, des conditions de travail, du respect du code du travail. Les délinquant-es ont la vie belle.

En mars 2020, Anthony est appelé par les salarié-es de l’Aradopa (association d’aides à domicile), la direction ne fournit pas aux employés des équipements de protection comme des masques.
Il rédige un courrier, à l’employeur, qui ne répond pas, suivant la procédure du code du travail, il engage alors une procédure de référé judiciaire, pour faire appliquer la Loi. En l’occurrence, préserver la santé des travailleurs et des travailleuses, de première ligne comme dit si bien Emmanuel Macron.
Il reçoit un texto de sa direction qui le convoque à un entretien « audio », le 14 avril.
La hiérarchie fait pression pour qu’il ne dépose pas de référé judiciaire, Anthony refuse et prétend assurer sa mission auprès des salariés.

Le 15 avril 2020, l’inspecteur du travail est mis à pied, l’été suivant il est suspendu de ses fonctions puis muté en région parisienne. En septembre 2020, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, le réintègre dans sa région comme inspecteur, mais maintient l’éloignement de Reims. Le 2 octobre 2020, Anthony Smith est affecté d’office dans la Meuse.
Bien évidemment, pendant que le ministère s’acharne sur Anthony, les délinquants, ceux qui exposent leurs salarié-es aux risques, sont tranquilles.

« Il faut affronter ses craintes et ça a été une période extrêmement difficile. J’essaye d’être le plus serein possible. »
— Anthony Smith, représentant syndical CGT au Ministère du Travail

En France moins de 2000 agent-es, plutôt 1800 sont chargé-es du contrôle de l’ensemble du secteur privé, soit 1,8 millions entreprises, 20 millions de salarié-es, dans un pays ou la létalité du travail explose, tous les deux jours ouvrés, il y a 7 morts.
Une inspecteur-trice pour 10 000 salarié-es, une inspecteur-trice pour 900 entreprises, s’il y en avait 2000, mais c’est encore beaucoup moins.
La Cour des comptes a remis le 20 mai 2020 un rapport concernant le bilan de la transformation de l’inspection du travail sur la période 2014-2019. Si elle estime que « la réorganisation de l’inspection du travail et l’évolution de ses missions et de son activité sont en bonne voie », la Cour considère, en revanche, l’accompagnement de la réforme au plan des ressources humaines comme « son point faible ». Entre 2014 et 2018, le nombre des agent-es dédié-es au contrôle a diminué de plus 6 %. (Sénat.fr)

Le ministère du travail prend des sanctions… contre ses fonctionnaires

Laura Pfeiffer, inspectrice du travail, en 2013 tente de faire respecter la législation sur le temps de travail par l’entreprise TEFAL filiale du groupe SEB, notamment en demandant à ce que soient revus les termes de l’accord sur les 35h. Elle est alors désavouée par la direction du travail.
Un salarié de TEFAL, lanceur d’alerte, lui communique alors des courriels démontrant la connivence entre la hiérarchie de Laura Pfeiffer et le patronat de TEFAL. Le patron de TEFAL porte alors plainte contre l’inspectrice et le salarié pour violation du secret professionnel et recel de documents confidentiels. Le lanceur d’alerte a également été condamné à une amende avec sursis de 3500 €
Même pris la main dans le sac, le patron est innocenté, l’inspectrice condamnée. Les cas sont nombreux.

L’ignominie est à son comble, le 2 septembre 2004, une inspectrice et un inspecteur du travail, Sylvie Trémouille et Daniel Buffière, se rendent dans une exploitation agricole pour effectuer un contrôle des contrats de travail des saisonniers, alors en pleine récolte. Le patron de l’exploitation leur tire dessus, dans le dos alors qu’il et elle s’enfuient. Cela n’empêchera pas la FNSEA, en toute impunité, de désigner ce drame comme la conséquence des turpitudes faites aux exploitants agricoles.
La première mesure du gouvernement Raffarin fut de mettre en place une réunion d’écoute pour les exploitants agricoles en butte aux « tracasseries administratives ».

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Le capital gère les effectifs

Les syndicats de la profession unanimes dénoncent la fonte des effectifs, les départs en retraite ne sont plus remplacés, la fusion des inspecteurs et des contrôleurs du travail a entraîné une chute des effectifs.
Les chiffres donnés par l’intersyndicale illustrent la dégradation du service. « En 2014, il y avait 29 inspecteurs du travail dans la Loire. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 17 et trois départs en retraite étaient programmés en 2022. Avec de tels effectifs, des secteurs entiers de la Loire sont privés d’inspecteurs du travail et ce n’est pas fini. » (Le Progrès)

C’est le « en même temps » de Macron : en même temps je baisse les effectifs du contrôle du travail, en même temps je bousille les CHSCT, en même temps je pète le système des retraites, en même temps j’aggrave les conditions de travail, en même temps je distribue 200 milliards de CICE aux entreprises.

Mais déjà en 2019, Macron avait nommé la DRH de Danone, Muriel Pénicaud, au poste de Ministre du travail, il ne lui fallut pas longtemps pour qu’elle parle comme une DRH. Suite à une accident ferroviaire dans les Ardennes, les cheminot-es font usage de leur droit de retrait, massivement, dans un contexte de déréglementation sociale et de réduction des moyens alloués au fonctionnement du service public ferroviaire en vue de la filialisation et de la privatisation de ce dernier
Dans ce cas précis, la sécurité des usagers était aussi soulevée.
Muriel Pénicaud a publiquement « flingué » sur France Inter les inspecteurs du travail qui avaient osé mettre en garde la SNCF sur le fait que ce droit de retrait était légitime. Elle déclare :
« La Direction générale du travail, qui est l’autorité administrative en France, que j’ai interrogée, ne partage pas ces conclusions. Et moi non plus. » Par ses propos, la ministre du Travail a laissé entendre que « les observations de l’inspection du travail ne s’imposent pas aux employeurs » a réagi la CGT du ministère du Travail. (sources UGICT-CGT)

Un dénouement à la hauteur de ce combat

« Un fonctionnaire est au service de l’intérêt général mais il n’est pas servile. Et moi, j’ai juste dit non. »
— Anthony Smith, FR3, 28 août 2023

« Anthony Smith ne s’est livré à aucun abus de droit. Il n’a pas porté gravement atteinte aux règles de déontologie professionnelle ou au bon fonctionnement du service public. »
— Tribunal administratif de Nancy

Le 20 octobre 2022, il y a un peu plus d’un an, le collectif revendicatif de l’Union Locale CGT de Nancy organisait la venue d’Anthony devant le tribunal administratif qui annulait dans la journée la sanction injuste. Une mobilisation haute en couleur et conviviale accompagnait notre Camarade.

Ce même collectif revendicatif vous invite, mardi 5 décembre 2023, à 18 h 00 à la Salle Michel Dinet à Malzéville pour saluer l’issue de ce combat

Pour l’occasion, Anthony dédicacera son livre, qui sera en vente (à 13 €) lors de la réunion :

918 jours : le combat d’un inspecteur de travail

Une collation et un pot seront servis par le collectif revendicatif, une caisse à prix libre, non obligatoire, sera posée sur la table, pour participation aux frais.

Anthony, on t’attend, bienvenue Camarade !
Union Locale CGT de Nancy

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