Auto-évaluation et new public management



Après les projets d’établissements et les contrats d’objectifs, l’auto-évaluation des établissements est une étape de plus dans un mode de pilotage des établissements publics.

Elle trouve son origine dans le "new public management", un concept né dans les années 70 et mis en application notamment dans les pays anglo-saxons et qui s’est traduit en France à partir du début des années 2000 à travers la LOLF (Loi organique et loi de finance), puis la RGPP (révision générale des politiques publiques).
Le principe de base est de considérer que les administrations, services et entreprises publiques peuvent être gérées comme dans le privé, c’est-à-dire notamment par les indicateurs chiffrés (objectifs vs résultats), une évaluation de leur "productivité" et à terme leur faire faire plus (soit disant "mieux"), à moyens constants, voire avec moins de moyens.

Sauf que dans les services publics, on ne produit pas des objets à valeur marchande, on n’évalue pas la réussite des élèves ou les soins apportés aux malades comme le nombre de bagnoles produites par une usine. Ça, les gouvernants le savent très bien (mais ne le disent pas). Mais ce qu’ils savent aussi (et ne disent pas non plus), c’est que par contre ce type de management, dans le privé, comme dans le public, permet efficacement de mettre la pression sur les personnels pour leur en faire faire toujours plus, tout en continuant les suppressions de postes et la réduction des dépenses, sans tenir compte des effets que ça a sur les personnels (notamment leurs conditions de travail et leur santé tant mentale que physique).

Plus précisément dans l’EN, les projets d’établissements, les contrats d’objectifs, et maintenant l’auto-évaluation des établissements a pour objectif de faire entrer la culture de l’évaluation dans les établissements, notamment l’idée que ce sont principalement les personnels et non les moyens qui sont responsables de la réussite des élèves.

Notons au passage que plus le ministère impose l’évaluation au bas de l’échelle, plus il en supprime pour lui-même. L’auto-évaluation des établissements est pilotée par le "conseil d’évaluation de l’école", une instance sous l’autorité du Ministère qui a remplacé en 2019 le CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) qui, lui, était indépendant du Ministère et avait comme mission principale d’évaluer les politiques éducatives (donc la politique du ministère elle-même, plutôt que la manière dont les personnels l’appliquent). En outre, en 2023 sera supprimée l’inspection générale, qui elle aussi avait entre autre pour objectif de produire des rapports sur l’efficacité des politiques éducatives (dont Blanquer n’a publié que 8% des rapports et mis les autres au placard http://www.cafepedagogique.net/lexp...).
À cela s’ajoute l’image "participative" donnée à ce dispositif d’auto-évaluation. On dispose de plusieurs retours d’établissements de l’Académie qui l’ont déjà subi, où les collègues ont eu droit à un calendrier important de réunions, où on nous fait mouliner dans tous les sens, pour finalement aboutir à des objectifs qui ne diffèrent guère sur l’essentiel des consignes officielles. Cette dimension participative n’est que de façade. Il ne s’agit que d’impliquer les personnels dans leur auto-évaluation, pas de faire vivre la démocratie dans les établissements.

Est-on donc obligé de participer à tout ça ? Et bien non ! Aucun texte réglementaire ne permet d’imposer la participation des collègues à ce processus. Seules les réunions qui se font sur les journées de solidarité ainsi que sur les conseils d’enseignement peuvent être imposées aux collègues (les conseils pédagogiques se tenant sur la base du volontariat). Dans ces cadres contraints (journée de solidarité et conseils d’enseignement), on peut en faire le minimum ou s’interroger notamment sur les moyens qui sont ou seront mis en face des diagnostics et objectifs qui seront posés. En effet, les textes prévoient bien que le travail sur le projet d’établissement et le contrat d’objectif font partie des sujets qui peuvent être abordés en conseil d’enseignement ou journées de solidarité, mais il ne s’agit pas d’en faire une tonne de plus. En dehors des profs, pour les personnels dont le temps de travail est annualisé (AED, AESH, agents), la participation à la journée de solidarité doit être comptabilisée dans leur temps de travail annuel et non s’y ajouter.

S’agissant de l’évaluation externe qui interviendra ensuite, il ne saurait y avoir de convocation à des entretiens ou de visites de séances imposées : ce sera seulement sur la base du volontariat.

Article paru dans SUD éducation Lorraine Info n°46, janvier 2022