À bas l’État policier !



La proposition de loi relative à la sécurité globale pour plus de « tranquillité publique »...

Si l’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale concentre les critiques, il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que cet article qui pose problème.

Il est également important de noter que cette loi intervient dans un contexte social qui n’a pas fini de se tendre. Et de replacer ces avancées pro-police dans la mise en place insidieuse d’un cadre sécuritaire qui rend de plus en plus difficile la moindre contestation. Par ce genre de mesure la répression élargit son champ d’action à toustes les citoyen.ne.s et plus seulement aux militant.e.s.

La logique qui est à l’œuvre est la casse des contre-pouvoirs en facilitant la culture de l’impunité.

L’État bichonne sa police, dernier rempart face à notre colère.

Ce que la loi permet

  • Augmenter les pouvoirs des agents de police municipale. (Art 1)
  • Reconnaissance de la sécurité privée comme « un maillon essentiel du continuum de sécurité dans le pays ». (Art 7) Il s’agit de « structurer le secteur de la sécurité privée et de développer les conditions d’une relation de confiance, en partenariat avec les forces régaliennes. ». Il s’agit de faire collaborer la police publique et les polices privées.
    De plus cet article autorise les entreprises missionnées pour de la sécurité privée à sous traiter une partie de leurs activités. Ce qui dilue encore plus le lien de responsabilité en cas d’intervention.
  • Plus de pouvoir pour les agent.es du Conseil National des Activités Privées de Sécurité. C’est donner des compétences nouvelles aux agent.es de sécurité privée pour constater plus d’infractions. Ces agent.es sont en plus habilité.e.s à relever l’identité et l’adresse de l’auteurice présumé.e de l’infraction (Art 8). C’est renforcer et faciliter la surveillance, le fichage et la répression dans nos quotidiens.
  • Elle permet l’utilisation des caméras individuelles portées par les policiers municipaux comme nationaux et permet l’analyse des données en temps réel via leur transmission au poste de commandement (art. 21).
  • La création du régime juridique de captation d’images par moyens aéroportés avec analyse des données. (Art 22) Au passage c’est la reconnaissance du fait que la police s’autorise à faire ce qu’elle veut avant que la loi l’y autorise en définissant clairement des usages et des limites.
    Les captations, enregistrements et transmissions d’images sont justifiés pour assurer :
    • la sécurité des rassemblements
    • l’appui des personnels au sol
    • la prévention d’actes de terrorisme
    • le constat des infractions
    • la sécurité des bâtiments
    • La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale
    • La régulation des flux de transport
    • La surveillance des littoraux et des zones frontalières
    • Le secours aux personnes
    • La formation et la pédagogie des agents.

    C’est encore une fois la technologie au service de la surveillance et de la répression.
    Les vidéos prises en manif sont un formidable outil de contrôle des foules puisqu’il sera possible pour les forces de l’ordre de repérer n’importe quel « comportement » jugé négativement. De plus les quatre derniers cas où les enregistrements sont possibles ouvrent un champ extrêmement large d’interventions filmées.

  • Limiter les réductions de peine pour les personnes qui « se sont rendues coupables » d’infraction envers les forces de l’ordre. (Art 23)
  • La prohibition de l’usage « malveillant » de l’image des policiers nationaux et militaires de la gendarmerie en intervention. (art. 24) C’est la criminalisation de la diffusion d’images de policiers identifiables, qui permettra l’interpellation sur le terrain de toute personne filmant les forces de l’ordre, sur la base de la présomption d’une intention malveillante.
    Ce sera au juge de décider ce qui relève de « l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique » (formule hyper large) d’un fonctionnaire de police filmé dans l’exercice de ses fonctions. L’action de la police ne pourrait plus être questionnée que par des juges et plus les médias ou les citoyen.nes.
    Le but sous-jacent est évidement d’empêcher la collecte de données en défaveur des forces de l’ordre.
  • la proposition de loi prévoit la possibilité pour les policiers nationaux et militaires de la gendarmerie nationale de conserver leur arme hors service lorsqu’ils accèdent à un établissement recevant du public (article 25)

Où en est le processus législatif

Il s’agit d’une proposition de loi (donc son initiative est parlementaire) déposée le 20 octobre à l’assemblée nationale en première lecture et adoptée par elle le 24 novembre. Le gouvernement utilise la procédure accélérée sur ce texte, c’est à dire qu’il ne fera qu’un aller retour entre l’Assemblée Nationale et le Sénat. Elle est maintenant en première lecture par le sénat.

Les journaux annonçaient mardi 1er décembre la réécriture de l’article 24 mais ne soyons pas dupes. Il s’agit d’une manœuvre politicienne pour étouffer le mouvement social qui se lève. Brisons les œillères de la critique qui se focalise sur l’article 24 et refusons la version orwellienne du monde qui se profile.

Argumentaire de l’opposition à cette loi

  • D’après la quadrature du net : « la population n’a plus le droit de diffuser des images de la police alors que cette dernière va multiplier les recours [aux enregistrements]. »
  • Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, dans le Monde : "Nous construisons avec toutes ces lois sécuritaires, les outils de notre asservissement de demain. Nous sommes à un point de bascule menaçant l’équilibre démocratique. Si Marine Le Pen ou tel candidat populiste à la Trump est élu en 2022, il aura à sa disposition tous les outils juridiques lui permettant de surveiller la population et de contrôler ses opposants politiques."
  • Il n’y a pas besoin d’une nouvelle loi pour lutter contre la malveillance envers les policiers car la protection du droit à l’image et au respect de la vie privée existe déjà dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse au cas où un policier est exposé et qu’il y a atteinte à sa dignité. De plus l’intention de nuire existe déjà dans le code pénal.
  • Pour Amnesty International, il est important de documenter les dérapages des forces de l’ordre pour avoir une preuve tangible en cas d’enquête, car on a déjà vu le gouvernement ou des policiers utiliser la stratégie du déni.
    C’est une grave atteinte à la liberté d’expression car « N’importe qui, citoyen ou journaliste, sera assujetti à la censure ou l’autocensure (dans un contexte de manifestations de plus en plus tendues ou violentes) ».
  • « Ce qui est inquiétant c’est de voir qu’on est passé actuellement dans un régime autoritaire qui vise à museler toutes les tentatives de protestations sociales, dans un contexte très difficile socialement. » Militante NPA34
  • L’analyse proposée par les opposant·es ne se limite pas à cette seule loi, puisque c’est l’entièreté du "continuum de sécurité" promu par le gouvernement qui est ardemment critiqué et remis en cause.
    La critique porte également sur le Schéma national du Maintien de l’Ordre, adopté au mois de septembre. Cette doctrine, issue du ministère de l’Intérieur, impose aux journalistes de se disperser en même temps que les manifestants, lorsqu’il y a sommation. Elle recommande aussi aux journalistes de s’accréditer auprès des Préfectures pour pouvoir couvrir des manifestations, une mesure unanimement rejetée par un très large collectif de rédactions allant des médias indépendants aux médias mainstream.

Les arguments avancés par l’État

Le gouvernement justifie ce nouveau tour de vis sécuritaire par la soi-disant flambée de la délinquance, de l’insécurité, des agressions envers les forces de l’ordre et la menace terroriste. En gros le pays va mal il faudrait donc renforcer la sécurité des citoyen.nes mais bien sûr comme on peut le lire sur des pancartes « [leur] sécurité n’est pas la nôtre ».

Pour le Gouvernement, l’alinéa 3 de l’article 24 laisse la possibilité d’envoyer des vidéos à la justice sans diffuser le visage des forces de l’ordre sur internet. Donc tout va bien !

Sources de ce récap

Photo : wikipédia BAC