Retour de la ZAD d’Arlon



L’appel pour le 26-27 octobre à « camper » dans la forêt d’Arlon a suscité mon intérêt et réveillé en moi une fibre internationaliste que je ne me connaissais pas. Cette ville belge à une heure de Metz, aux frontières française et luxembourgeoise me semblait être un bon point de départ. Retour personnel sur quelques jours passés là bas.

Malgré les annonces d’un journal local dont je tairai le nom qui, se faisant relai de la Police fédérale, déclarait que la zone avait été évacuée ce lundi, l’occupation qui a éclot à l’issue de ce week-end entend bien se poursuivre tant que le projet sera maintenu.

Le projet ? Un zoning industriel prévoyant l’installation d’entreprises sur le site d’une sablière désaffectée depuis 50 ans et reconnue « Site de Grand Intérêt Biologique », due à la présence d’une flore et faune menacée (dont le Triton Crêté, encore lui !). Tout cela s’inscrit dans une politique à l’échelle de la ville, plutôt riche en raison de la proximité avec le Luxembourg, et l’ambition serait de doubler (!) la population locale en rendant la ville plus « attractive » (comprendre plus bétonnée). Plusieurs autres projets d’aménagement ayant été avortés grâce à la contestation locale, cette zone constitue un ultime espoir de les imposer malgré tout.

Les terres concernées ont été rachetées par IDELUX (l’ennemi !), un consortium intercommunal semi-public de la province du Luxembourg. Il s’occupe ainsi de l’aménagement et du développement de la région (du « smart rural »), ainsi que des questions d’environnement. C’est à ce titre qu’ils envisagent de raser 80 % d’une forêt et d’en préserver les miettes ; pas de dépaysement de ce côté là en traversant la frontière ! Apparemment convaincu de la pertinence de leur démarche, ils semblent ne pas s’être attendus à de la contestation. Un peinturlurage pédagogique (voir article sur L’Avenir.net) a donc été consenti par certain.es.

La Zone occupée se situe dans la belle forêt aux portes de la ville et rachetée par IDELUX, en surplomb de la sablière afin de ne pas dégrader ce site sensible. Une parcelle de résineux promise à un déboisement prochain (les arbres sont ravagés par les scolytes) a servi de camping ces jours derniers et semble offrir de belles perspectives de réappropriation. Au delà de la sauvegarde du lieu, la question de l’opposition à la vision industrielle de la gestion forestière est abordée sur place par certain.es. En témoigne la réalisation sur place de banderoles de soutien à l’Amassada, au Rojava ou encore aux victimes de violences policières. Ici encore, des connexions se font entre différentes visions : le zoning industriel d’Arlon et son Monde.

Spontanément, la « convergence » dont beaucoup se demandent si elle existe vraiment a été observée et l’occupation s’est révélée être un enthousiasmant point de rencontre luttes qui en Belgique semblent avoir du mal à faire front face à la résignation. Ainsi, squateureuses, forestièr.es, gilets jaunes, militant.es climat, riverain.es, totos des villes ou des champs et naturalistes se retrouvent autour de feux bien appréciables en ces froides journées et échangent jusqu’au bout de veillées dans une convivialité typiquement belge. Je reste émerveillé de ces Gilets Jaunes venus de loin pour partager une soupe, leurs histoires de rond points belges ou les poêlés de champignons quotidiennes, ces travailleur.ses du coin qui proposent spontanément des récups de palette, de bâches et leurs anecdotes sur la vie locale. A la « Zablière » le mot d’ordre est simple : Bienvenue à tout.es, sauf aux flics. Un mot d’ordre qui gagnerait peut-être à retraverser la frontière.

Les policier.es de la ville, pas forcément enchanté.es par la destruction du lieu de leurs balades dominicales, sont épaulés par les flics fédéraux. Au delà des coups de pression des premiers jours, leur curiosité les a poussé à des contrôles et saisies de matos de construction, des passage de drones et d’agents à vélo. Les barricades qui fleurissent par nécessité sont également le point d’accueil des soutiens qui arrivent pour planter leur tente ou discuter jusque tard dans la nuit.

Face aux froideurs automnales, la scie, la pelle, la construction de cabanes ou les chants autour d’un brasero restent les meilleurs alliés. Les perspectives politiques, les visions du monde qui se rencontrent et une entraide fantastique en fond un lieu vivant, habité par un désir commun de le préserver au-delà de l’hiver.

Ami.es de l’Est, n’hésitez pas à traverser la proche frontière ! (et à les combattre, tant qu’à y être)

Une présentation des enjeux (voir article sur L’Avenir.net) devrait avoir lieu samedi 2 novembre avec une balade naturaliste.