Arnaud Robinet, maire de Reims, se rapprocherait-il de l’extrême droite ? - Partie 2

Reims (51) |

Analyse en trois parties de la rhétorique et de la politique d’Arnaud Robinet, maire de Reims depuis bientôt 10 ans. Dans cette deuxième partie, nous nous penchons sur la politique de répression portée par le maire pour répondre à la crise de l’éducation nationale, réinculquer les valeurs de la République, ou lutter contre la délinquance.

Arnaud Robinet ne manque pas d’idées pour inculquer les valeurs de la République à la jeunesse et lutter contre la délinquance juvénile. Nostalgique de l’époque où l’on respectait encore les institutions et leurs représentant.es, et entretenant l’espoir de retrouver un système éducatif et judiciaire plus autoritaire et moins laxiste qu’il ne le serait aujourd’hui, il préfère de ses propres dires opter pour une approche autoritaire et répressive. Il se prononce ainsi en faveur de la réintroduction de dispositifs abandonnés depuis longtemps, comme le port de l’uniforme et les camps d’encadrement, ainsi que de mesures répressives particulièrement radicales comme la suppression des allocations étendues jusqu’aux familles ou leur expulsion des logements sociaux.

Une jeunesse qui se tient sage

Le 26 octobre 2023, Arnaud Robinet propose de faire de Reims une ville d’expérimentation pour tester la réinsertion des jeunes délinquants « dans le droit chemin » par le biais d’un encadrement militaire [1]. Cette mesure des plus radicales, qui s’apparente au retour des maisons de correction, n’est pas sans rappeler l’argumentaire électoral de l’extrême droite (comme les « centres éducatifs » figurant dans le programme sécuritaire du RN) qui voit depuis longtemps en ce genre de dispositifs un ersatz du service militaire dont elle déplore la disparition, et qui s’inscrit dans la continuité de sa politique d’uniformisation des personnes et des idées et de recours systématique à la manière forte. Le maire de Reims trouvera presque à ce moment une partisane de circonstance en la personne d’Anne-Sophie Frigout, ancienne députée RN de la Marne et figure de l’opposition rémoise, qui lui rappellera dans un tweet la pertinence de ces mesures depuis longtemps portées par le RN [2]. C’est une approche similaire que Gabriel Attal, premier ministre du gouvernement le plus marqué à droite depuis le début de la présidence Macron, évoquera à l’Assemblée nationale dans son discours du 30 janvier au travers de « travaux d’intérêt éducatifs » destinés aux mineurs de moins de 16 ans, ou encore dans son discours du 18 avril [3] sur les mesures de répression à adopter à l’encontre des mineurs.

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Lorsqu’il s’agit de commenter l’actualité en matière de sécurité et de délinquance, Arnaud Robinet plaide toujours en faveur de l’adoption d’une politique de répression forte.
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Anne-Sophie Frigout, ancienne députée RN de la Marne, rappelle à Arnaud Robinet la proximité de ses demandes avec celles du RN.

Comme dans le cas de la vidéosurveillance, les études montrent pourtant là encore que la réalité est bien différente des promesses sur le papier et des idées reçues véhiculées par leurs porte-étendards. En 1986, fut déjà initié le dispositif des « Jeunes en équipe de travail » (JET), des stages de 4 mois encadrés par les militaires et destinés à réinsérer les jeunes délinquants. Ils finiront par être dissous en raison d’une efficacité plus que mitigée (60 % de récidives pour près des 5800 jeunes bénéficiaires du programme [4]), en dépit de la mobilisation de moyens financiers et humains considérables. Aux États-Unis, on les appelle les boot camps, des camps de « redressement » humiliants, violents, traumatisants, parfois mortels, et surtout inefficaces, comme le révèle la très grande majorité des études sur le sujet et dont les résultats ont été compilés par la professeure en droit Martine Herzog Evans en 2020. En France, le SNU, qu’Arnaud Robinet avait déjà appelé à généraliser en 2022 dans une tribune co-signée par une centaine d’autres maires [5] et que le gouvernement souhaite généraliser dès 2024, s’est quant à lui déjà retrouvé sous le feu des projecteurs après seulement un an de test pour plusieurs faits de violence, de racisme et de harcèlement.

Là encore, une simple rétrospection sur les résultats des expérimentations passées de ces dispositifs et les conclusions de la littérature scientifique disponible viennent complètement contredire les attentes et les convictions d’Arnaud Robinet. Quels résultats différents espère donc obtenir le maire de Reims, et s’est-il seulement informé sur la pertinence et la faisabilité de ce genre de dispositifs avant de vouloir en assumer l’expérimentation ? Le SNU ne constitue ni plus ni moins qu’une dérive autoritaire et une tentative d’embrigadement de la jeunesse par l’inculcation de valeurs prétendument « républicaines », mais en réalité surtout réactionnaires, permettant d’étouffer dès l’adolescence toute volonté de contestation envers l’ordre établi et le status quo. Les camps encadrés par l’armée qu’il souhaite mettre en œuvre constituent quant à eux une mesure populiste, dont la vocation reste davantage de punir et reformater les délinquants récidivistes pour satisfaire les citoyen.nes appelant à davantage de sévérité pénale que de les aider à se réinsérer ou à réemprunter « le droit chemin ». Quel est d’ailleurs l’intérêt de vouloir appliquer une pédagogie militaire, si ce n’est celui de vouloir appliquer un système éducatif basé sur les restrictions et les punitions, ainsi qu’une doctrine de soumission à l’autorité ? En voulant faire appel à l’armée, Arnaud Robinet réaffirme sa volonté de mater et maintenir sous contrôle la jeunesse par la force, et peu importe si cette méthode ne saurait résoudre les problèmes sociaux et sociétaux qui sont à l’origine de la délinquance.

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Devant la perte des valeurs, le maire aimerait la mise en œuvre « d’examens des valeurs républicaines » et « d’écoles d’excellence républicaines », sans donner plus de détails sur ces concepts.

Logiquement inscrit dans une approche conservative et droitière du « c’était mieux avant », Arnaud Robinet est attaché à l’école d’antan, qu’il considère comme une version de l’institution encore fidèle à la République et ses valeurs avant la perte du respect de l’autorité envers son personnel et la baisse du niveau de ses élèves. En plus de souhaiter mettre en place des « tests de valeurs républicaines » à différents moments de la scolarité des jeunes collégiens et lycéens [6], sans en préciser toutefois davantage la nature ou le contenu, c’est avec enthousiasme qu’il confirme le 11 novembre 2023 la participation de la ville de Reims à l’expérimentation sur le port de l’uniforme en milieu scolaire qui sera menée au cours de l’année 2024 [7]. À l’heure où les enseignant.es et fonctionnaires dénoncent depuis des années une aggravation notable de la qualité de l’enseignement au sein de l’Éducation nationale un manque cruel de moyens humains comme financiers et la déliquescence des conditions de travail, cette mesure semble complètement hors sol. Là encore, Arnaud Robinet semble se prononcer en faveur de cette mesure davantage pour se conformer avec ses convictions personnelles comme celles de sa famille politique que par considération envers les études et les expériences similaires déjà réalisées par le passé.

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Dès septembre 2023, Arnaud Robinet avait appelé à faire de Reims une candidate pour l’expérimentation du port de l’uniforme, avant de se réjouir de la validation de la participation de la ville en fin d’année.

En effet, même si la littérature scientifique reste à l’heure actuelle certes peu fournie, l’ensemble des analyses tire les mêmes conclusions : l’uniforme ne permet pas de réduire les violences ou le harcèlement, de « gommer » les inégalités sociales et en aucun cas de contribuer à les résoudre, ni de renforcer le sentiment d’adhésion et de cohésion au sein des établissements - une étude américaine relevant même le phénomène inverse en raison de la restriction du besoin d’expression de l’individualité des élèves [8]. Il peut même favoriser d’autres discriminations, stigmatisant notamment les femmes et les minorités de genre, religieuses et ethniques, et mettant en exergue l’appartenance des élèves à différentes écoles en rendant plus identifiable l’appartenance aux établissements populaires et à ceux plus aisés. Heureuse coïncidence, cette mesure permet également de « résoudre » la pseudo-problématique du port de l’abaya (une robe-manteau longue associée à un vêtement religieux), dont l’interdiction à la rentrée 2023 donnera naissance à une polémique ultra médiatisée, mais pourtant auparavant inexistante et dont le gouvernement Macron n’aura été au final que le seul instigateur. Arnaud Robinet avait d’ailleurs lui-même salué cette mesure, appelant notamment à sanctionner sévèrement les personnes s’y opposant et leurs familles.

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Le maire a rapidement apporté son soutien à l’interdiction de l’abaya portée par Gabriel Attal.

Qu’il s’agisse de vouloir résoudre les problèmes de délinquance en faisant appel aux méthodes de l’armée ou remettre la jeunesse dans le droit chemin en lui faisant porter un uniforme, Arnaud Robinet se contente d’idéaliser des méthodes surannées, superficielles et réactionnaires qui ne se montreront pas plus efficaces demain qu’elles ne l’ont été hier. L’instauration de camps d’encadrement, mesure qui n’a ici rien à envier aux partisan.es du RN et de Reconquête, ne constitue qu’une profonde dérive autoritaire et un énième pansement sur une jambe de bois qui ne plaira qu’aux nostalgiques d’un service militaire qui alimente une myriade de fantasmes depuis sa révocation. Le retour de l’uniforme, quant à lui, ne constitue au final qu’une maigre mesure d’apparat, sans efficacité concrète et au rôle purement esthétique portée par des politiques réactionnaires en manque d’ordre moral, rêvant d’une jeunesse homogénéisée et rentrant dans le rang. Au risque de décevoir les attentes du maire, de nouvelles expérimentations n’aboutiront donc vraisemblablement qu’aux mêmes résultats réchauffés déjà obtenus par le passé.

Aux familles de payer l’addition

Cet attrait d’Arnaud Robinet pour le « retour de l’autorité » ne date pas d’hier. Prompt à vouloir rassurer ses administrés en renvoyant l’image d’un homme politique ferme, le maire n’a pas manqué d’idées ces dernières années pour lutter contre la délinquance. Parmi ses propositions pour « faire changer la peur de camp », on peut citer l’instauration de couvre-feux pour les moins de 16 ans, l’expulsion systématique des étrangers ayant commis un crime ou même un délit ou, plus surprenant pour une personne de son bord politique, la légalisation du cannabis. L’une de ses mesures phares, martelée à de nombreuses reprises lors de ses interviews ou sur Twitter : la suspension des allocations dont bénéficient les parents des mineurs impliqués dans des faits de délinquance, comme le trafic de drogue ou les dégradations, afin de dissuader et « responsabiliser » les contrevenant.es et leurs familles. Si Arnaud Robinet se prononce en faveur de la suspension des aides obligatoires (RSA, APL, etc.), il est conscient que cette mesure n’est pas de son ressort, et s’applique donc à étudier la possibilité d’infliger ces sanctions à l’échelle locale. L’application de cette politique radicale, le maire l’a exigée à plusieurs reprises : en août 2020 suite à des violences urbaines dans le quartier de Croix-Rouge [9], le 5 juin 2023 [10] après un règlement de compte à Orgeval ayant causé la mort d’une personne par balles, puis le 27 du même mois suite aux violences urbaines de l’été 2023. Le maire soutient également l’expulsion des bénéficiaires de logements sociaux qui se rendraient coupables d’actes d’incivilité ou de délinquance, et a signé en juillet 2023 une convention entre le Grand Reims, la Ville de Reims, les bailleurs sociaux et l’État afin de faciliter leur éviction [11].

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Aux yeux du maire, les familles sont seules responsables des agissements de leurs enfants, et doivent aussi en payer le prix.
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En plus de la suspension des allocations, Arnaud Robinet voit en l’expulsion des contrevenant.es et de leurs familles une sanction et une solution idéales.

La suspension des aides municipales est chère à la droite, et plusieurs communes comme Caudry, Poissy, ou encore Valence ont déjà mis en place ce genre de mesures, avec plus ou moins de succès. L’extrême droite rêve elle aussi depuis longtemps de la suspension des allocations obligatoires, qu’elle assimile systématiquement à de « l’assistanat » sauf dans un contexte de préférence nationale. Comme l’a relevé France 3 Régions, c’est le Rassemblement national qui fut l’un des premiers à inscrire cette revendication dans son programme. Le Livre blanc pour la sécurité de Marine Le Pen, rédigé en vue de l’élection présidentielle de 2022, promettait déjà que « lorsqu’un mineur de 13 ans est impliqué dans un délit ou un crime, la sanction visera les parents, par suppression totale (par exemple en cas de récidive) ou partielle des allocations familiales et sociales prononcée par le parquet à titre provisoire et définitif par le juge ». Ces mesures figurent désormais également au programme de Reconquête !, qui souhaite même étendre ces suspensions aux élèves absentéistes ou perturbateurs. Dans ce même esprit, l’éphémère loi Ciotti, votée en 2010 [12] et du nom de son très droitier initiateur LR qui avait en 2022 déclaré préférer voter Zemmour plutôt que Macron [13], prévoyait la suspension des allocations en cas d’absentéisme, et fut abrogée en 2013 par la majorité de gauche faute d’efficacité concrète et de moyens d’évaluation solides. L’ordonnance de 1959, antérieure à la loi Ciotti, s’était par ailleurs déjà révélée inefficace [14], en plus de présenter des critères d’application injustes. Une nouvelle proposition de loi, portée là encore sans surprise par le Rassemblement national [15] et examinée le 12 octobre 2023, a remis le débat sur la table : elle prévoyait la suspension pour une durée de 24 mois des allocations pour les familles des mineurs condamnés pour des faits de délinquance. La Ligue des Droits de l’Homme avait alors publié un communiqué dans lesquelles elle expliquait le danger ainsi que le caractère populiste et discriminant de ce genre de mesures et le cercle vicieux de précarité qu’elles engendrent [16].

Cachez ces pauvres que je ne saurais voir

Peu après le début du premier mandat d’Arnaud Robinet, la nouvelle municipalité avait d’ailleurs décidé de déménager le Centre Communal d’Action Sociale de Reims jusqu’ici implanté en plein centre-ville au quartier Croix-Rouge, privant ses bénéficiaires de son accessibilité et de sa proximité avec les autres partenaires sociaux [17]. La municipalité évoquait à l’époque l’impossibilité de mettre aux normes le bâtiment déjà ancien, un déficit important d’un million d’euros, mais aussi vouloir « favoriser l’accompagnement et l’insertion plutôt que l’assistanat », et la responsabilisation des bénéficiaires d’un CCAS que le maire comparait alors à un « guichet » [18]. Même si le projet de déménagement finira par être abandonné face à la pression des salariés, la municipalité avait en 2014 déjà décidé le changement des règles d’attribution des aides [19] afin de réduire le déficit, entraînant une perte de 10 % des bénéficiaires, constitués de familles précaires. Le CCAS se situe encore aujourd’hui au même endroit.

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Lors de la polémique autour de l’abaya de septembre 2023, le maire a également appelé suspendre les allocations familiales.

Si les parents sont déjà responsables civilement de leurs enfants et tenus d’indemniser les préjudices dont ceux-ci seraient à l’origine, ils ne le sont pas pénalement. La suspension des allocations s’opposerait entre autres aux articles 6 (égalité devant la loi) et 8 (proportionnalité et nécessité de la peine) de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen [20], ainsi qu’à l’article 121-1 du Code pénal qui stipule que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » [21]. C’est en se basant sur ces principes que la justice a déjà fait annuler les mesures de suspension des aides municipales prononcées par d’autres villes : par le Conseil d’état en 2022 à Caudry [22], ou encore par le tribunal administratif de Versailles à Poissy en 2023 [23], invoquant des « imprécisions », un « doute sérieux quant à la légalité [des mesures] », ou une contravention au principe de légalité des délits et des peines. Sanctionner collectivement les parents ou les membres d’une même fratrie en les punissant pour des faits qu’ils n’ont pas commis ou dans lesquels ils ne sont pas impliqués s’oppose également au principe d’individualisation des peines. Comme le tribunal l’a justifié à Poissy, la mise en place de conditions d’attribution des allocations insuffisamment caractérisées constitue quant à elle une discrimination des conditions d’accès potentiellement illégale qui contreviendrait là aussi au principe d’égalité devant la loi et de proportionnalité de la sanction par rapport aux faits commis.

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Extrait du communiqué d’Arnaud Robinet du 5 juin 2023 suite aux violences dans le quartier Orgeval.

L’objectif des allocations octroyées par l’État est, dans la continuité de l’article 10 du préambule de la Constitution [24], de venir en aide aux familles en allégeant la charge financière qui leur incombe afin de rassembler les conditions nécessaires au développement de leurs enfants et veiller à leur intérêt supérieur. Loin des clichés du seul laxisme paresseux des parents ou de la volonté intrinsèque des individus à vouloir nuire à autrui ou défier l’autorité, la délinquance découle de facteurs complexes, interactifs et cumulatifs : discriminations et violences, échec scolaire, environnement familial instable [25] fragilisé par une situation financière difficile, asociabilité et pertes de repères compensées par l’effet de groupe, etc. Une sanction comme la suspension des aides au logement, des subventions de la cantine scolaire ou de l’accès aux activités sportives, même de faible importance, aggraverait la précarité financière des familles et nuirait à l’insertion sociale de leurs enfants, qui entraînerait à son tour la détérioration des difficultés qu’elles rencontrent déjà, créant un cercle vicieux nourrissant tous les facteurs sous-jacents aux faits de délinquance sans à aucun moment contribuer à les résoudre. Au-delà des atteintes aux principes du droit français, cette mesure se révèle donc profondément injuste et immorale : elle constitue une double peine pour des familles déjà fragilisées par un environnement familial et économique précaire, et l’on ne saurait imaginer comment la menace d’une aggravation des conditions de vie des mineur.es sauraient les éloigner de la délinquance, les aider à se réinsérer socialement ou leur permettre de retrouver un environnement sain.

La déclaration d’Arnaud Robinet suite aux violences urbaines de l’été 2023 sera d’ailleurs interprétée, déformée et relayée sous la forme d’une vidéo virale lourde de désinformation [26] faisant l’objet d’un relais massif sur les réseaux, son autrice prétendant que le maire comptait facturer les dégâts de la nuit du 28 aux coupables et leurs familles, les expulser de leurs logements sociaux, ainsi que leur couper les aides financières municipales. Si cette infox est avérée (le maire n’ayant jamais tenu ce discours dans ce contexte), comme l’a relevé l’Union [27], et a largement été relayée par les sphères réactionnaires de la Toile, elle toutefois repose sur les propos populistes récurrents du maire, laissés libres à toute interprétation. Le maire avait lui-même par le passé souhaité sans équivoque la mise en œuvre de ce genre de mesures, son cabinet reconnaissant même auprès de l’Union « des propos sévères, au sujet des expulsions locatives des familles de délinquants » qu’il a tenus, rappelant toutefois que les informations avancées dans la vidéo sont bien fausses.

Arnaud Robinet, qui appelle à la suspension des allocations et des aides municipales depuis plusieurs années, semble soit ne pas s’être vraiment informé sur sa réelle faisabilité, soit continuer à porter ses revendications par pur populisme. S’il est persuadé qu’une logique de « double peine » saura porter ses fruits au détriment de l’exclusion sociale qu’elle pourrait engendrer, la jurisprudence et les résultats des tentatives passées devraient pourtant l’alerter sur le bien-fondé et la pertinence de son initiative qui n’a rien d’inédit. Même s’il est probable que le maire veuille surtout renvoyer l’image d’un homme d’action, le fond du message est clair, et ses mesures cache-misère ne sauraient masquer son penchant prononcé pour la répression. À l’instar de l’extrême droite, il brandit systématiquement ces menaces à l’encontre de la délinquance issue des quartiers, préférant manifestement voir ces sanctions appliquées à certains groupes de citoyens plutôt qu’à d’autres quitte à les stigmatiser, témoignant au passage d’un évident mépris de classe et d’une rhétorique problématique qui seront abordées dans la troisième partie de cette série d’articles.

Conclusion

La vision d’Arnaud Robinet pour les délinquants et la jeunesse, et plus précisément celle qui ne se conforme pas ou qui dévie de la vision de la société qu’il porte, apparaît clairement à travers ses ambitions de politique éducative et pénale. Sa promotion passéiste de l’uniforme et la pédagogie militaire, reliques d’une époque révolue qu’il idéalise, témoigne de son rejet des approches progressistes et modernistes en matière de sociologie, de pédagogie et de prévention au profit d’une approche réactionnaire où seules menaces et sanctions seraient capables d’apporter des résultats concrets. Sa promotion constante de la suspension des allocations et de l’expulsion de délinquants ou de certains étrangers de leur logement voire du territoire, jusqu’à y inclure leurs familles entières, reflète là encore sa préférence pour une approche répressive systématique, convaincu qu’une politique de sanction stricte et autoritaire saura se montrer suffisamment dissuasive pour combler efficacement les lacunes du système. Ce modèle dont il fait si vivement la promotion sur ses réseaux comme dans les médias présente une indéniable proximité avec les ambitions politiques du RN et de Reconquête, illustrant le rapprochement clair de la droite traditionnelle et de ses membres vers une extrême droite de plus en plus présente et banalisée dans le paysage politique comme médiatique. Et malgré sa prétendue opposition à l’extrême droite, Arnaud Robinet n’échappe sur ces thématiques pas à cette tendance.

Écrit par Reims Autodéfense Populaire


Notes