Occupation de la Manufacture : interview des occupant·es

Nancy (54) |

Depuis vendredi 19 mars, le Centre dramatique national de Nancy (théâtre de la Manufacture) est occupé. Donnons la parole à ses occupant·es.

Pouvez-vous vous présenter ? Qui sont les personnes qui occupent le théâtre ?

Nous nous identifions comme les occupants et les occupantes, il y a des membres de collectifs, des syndiqué·es et des non syndiqué·es. Nous provenons pour la plupart du secteur du spectacle et de l’événementiel (artistes, techniciens·nes, intermittents·tes, permanents·es, etc), mais nous souhaitons que ça s’élargisse et se diversifie. Des étudiants·es du conservatoire de théâtre viennent d’ailleurs de rejoindre l’occupation.

À Nancy, l’occupation arrive plus tardivement que dans beaucoup d’autres villes en france. Avez-vous une explication à cela ?

En effet, l’Odéon a été occupé dès le 4 mars, et même avant ça il y a eu une courte occupation à la Philharmonie de Paris. Elles ont été initiées par des mitants·es organisé·es, notamment dans des syndicats de la CGT spectacle. A Nancy on ne compte pas beaucoup de militants·es syndicaux du secteur culturel. Ça s’est présenté de manière assez spontanée, notamment par des personnes assez peu habituées des actions syndicales.

La directrice, nouvellement installée, n’a pour l’instant pas d’opposition à l’occupation. Pour l’instant, elle soutient seulement la réouverture des lieux culturel. Êtes-vous sur la même revendication ?

Non, notre première revendication – et c’est unanime parmi nous – c’est le retrait de la réforme de l’assurance chômage. Je ne détaille pas ici nos revendications, on les trouve sur nos communiqués, mais pour dire vite, on ne veut pas d’ouverture sans droits sociaux.

Elle soutient l’occupation mais déclare déjà que « Plusieurs résidences de travail sont programmées dès début avril, il ne faut surtout pas qu’elles aient à en souffrir. Mais pour l’instant, je dois dire que la cohabitation se déroule de façon très correcte. » Pensez-vous, comme les président-e-s d’université quand leurs facs sont occupées, qu’elle joue l’apaisement en attendant l’affaiblissement du mouvement pour vous mettre dehors ?

Les directions des lieux occupés se montrent parfois hostiles avec les occupants·es mais elles sont en général conciliantes. Elles sont elles aussi dans un rapport de force avec le gouvernement et certaines de nos revendications se recoupent.

La présence d’une société de sécurité sur les lieux ne vous dérange-t-elle pas ?

Il ne nous semble pas utile d’exiger trop de choses de la direction. Ce qui compte à ce jour c’est d’élargir le mouvement. On a donc intérêt à faire en sorte de maintenir l’occupation. La présence d’un agent de sécurité nous semble acceptable.

Beaucoup de militant-e-s, syndiqué-e-s ou pas mais ne faisant pas partie du monde du spectacle, se demandent si iles peuvent vous rejoindre. Quelle est votre réponse ?

Il ne faut surtout pas hésiter à nous rejoindre ! La première étape est de venir discuter. Ça peut se faire à toute heure, le mieux étant en fin de journée, vers 17h. Il est primordial pour nous d’élargir le mouvement au-delà du secteur culturel. Il faut cependant rester dans une certaine cohérence. Ce mouvement s’inscrit dans une lutte contre la précarité. Les contrats courts, saisonniers, les étudiants, les jeunes, etc…

Pensez-vous que les théâtres peuvent et doivent devenir des lieux de rapprochement des luttes pour y construire un mouvement de plus grande ampleur ?

Le choix de l’Odéon n’était pas anodin. C’est ce même théâtre qui a été occupé en 68 pour devenir un lieu de débat, d’élaboration, d’émulation réunissant des personnes souhaitant enterrer le vieux monde pour en voir émerger un nouveau.
Plus de 90 théâtres sont occupés aujourd’hui et pas que par des artistes. Mais pour que le mouvement s’élargisse davantage, il sera probablement nécessaire de voir d’autres lieux d’autres secteurs occupés..

À Bordeaux, le théâtre a été évacué par les flics. Avez-vous peur qu’il arrive la même chose ici ?

C’est quelque chose qui fait peur, même si, comme on l’a dit, nous nous sommes engagés ici à respecter un protocole d’occupation, donc nous sommes pour l’instant tolérés.

Avez-vous besoin de soutien matériel (repas, matelas ou autre) ?

Nous avons besoin de dons. Une caisse de lutte a été mise en place. On a un super service de catering qui s’est également mis en place. C’est surtout de forces vives dont on a besoin. Il faut veiller à ne pas nous épuiser dans les tâches d’organisation.

Quels sont vos prochains rendez-vous ?

On organise des actions presque tous les vendredis portées vers l’extérieur. On organise également des AG, la prochaine aura lieu mardi 6 de 17h à 19h à la Manufacture.

Quelle est la question que je n’ai pas posée à laquelle vous aimeriez répondre ?

J’ajouterais qu’il est hors de question que l’on se contente de mesures uniquement pour les intermittents et les intermittentes du spectacle comme par exemple une deuxième année blanche. Les droits des intermittents du spectacle, ce sont 2 annexes de l’assurance chômage. C’est un régime à l’intérieur de l’UNEDIC et il s’inscrit dans une logique de solidarité inter-professionnelle. Un danger qui se profile serait que ce régime d’indemnisation sorte de l’assurance chômage pour être géré par le ministère de la culture. Il ne faut pas que l’on devienne une réserve d’indiens.
On ne se bat pas pour les travailleurs et travailleuses du spectacle, on se bat pour les précaires dont nous faisons partie.