MJC des 3 Maisons : la position du démissionnaire

Nancy (54) |

RésisteR ! s’est plusieurs fois fait l’écho des actions du Collectif Nos3Maisons et de la lutte pour sauver l’ancienne école. Nous avons appris que Dominique F., membre du Collectif, qui avait été élu co-président de la MJC, avait démissionné récemment. Nous sommes allés à sa rencontre.

RésisteR ! : Bonjour Dominique, nous avons appris que tu as démissionné de ton poste de co-président de la MJC des 3 Maisons. Pourquoi ?

D.F. : Pourquoi ? C’est compliqué à expliquer en une seule phrase… L’impression d’être dans une impasse… [un silence] de me battre contre des moulins à vent, une profonde lassitude aussi. Mais, peut-être vaudrait-il mieux commencer par le commencement.

R ! : C’est-à-dire ?

D.F. : Par ce qui a fait que je suis devenu co-président, pourquoi j’ai accepté de prendre cette responsabilité. J’ai été élu au conseil d’administration de la MJC en juin dernier en affichant clairement que je faisais partie du Collectif Nos3Maisons. J’avais proposé lors de la réunion de constitution du bureau que tous les membres du conseil d’administration soient co-présidents, cette volonté de créer une forme d’horizontalité ayant été rejetée et nous nous sommes accordés sur une présidence en triumvirat. Comme aucun membre du Collectif ne voulait être co-président, j’ai pris cette charge.

R ! : Et ensuite ?

D.F. Ensuite, il y a eu très rapidement deux événements qui ont été ressentis comme des victoires. À savoir le remplacement de Patrick Baudot, au poste d’adjoint chargé de le Jeunesse et des Sports et l’annonce par la mairie que l’ancienne école ne serait pas détruite et qu’une concertation allait être lancée.

R ! : Ce n’était pas des victoires ?

D.F. : J’en doute presque maintenant. Et, un peu ironique, je dirais presque : « Au secours ! Patrick, revient ! »

R ! : Vraiment !

D.F. : Non, mais quand on a un interlocuteur aussi fermé à la discussion, il est plus facile de mobiliser. C’est comme ça… Mais bon !, je ne vais pas regretter son départ.

R ! : Et la concertation ?

D.F. : En soi, cela pouvait être une bonne chose, mais le processus de concertation est tellement lent : on a eu trois réunions depuis la rentrée de septembre dernier ! Cette dissolution du temps est particulièrement démobilisatrice et en même temps génère des frustrations. Ça n’avance pas, quoi ! Même s’il y a des choses qui se font…

R ! : Tout ça, c’est plus les relations avec la mairie, c’est là la raison de ta démission ?

D.F. : Non, bien sûr, mais c’est un contexte global qui explique cette décision. Nous avons été élus pour sauver l’ancienne école, mais aussi pour tenter de faire évoluer le fonctionnement démocratique de la MJC. Là encore, nous n’avons remporté que des demi-victoires. Nous avons réussi à imposer le fonctionnement d’un bureau présidé par trois personnes, mais dans les faits, la collégialité que cela impliquait n’a pas existé. Et même, cela a eu tendance à évoluer vers un fonctionnement avec un président et deux vice-présidents…

R ! : Oui, mais vous étiez tout de même un certain nombre du Collectif au conseil d’administration, vous pouviez donc faire entendre votre voix. Un président d’association ne décide pas seul, non ?

D.F. : Effectivement. Là, on touche un point assez douloureux. En fait, le Collectif, comme tout groupe est traversé par différentes tendances. Et au conseil d’administration, certains ont vite accepté leur rôle d’administrateur responsable, trop responsable même. Du coup, ils ont été dans une attitude très peu combative, cherchant absolument la conciliation et l’apaisement. Le consensus, cela peut être une bonne chose, si c’est construit, si c’est le résultat d’un processus. Or, là on avait des gens qui cherchaient le consensus avant même d’exposer leurs dissensus.

R ! : Avec comme conséquences ?

D.F. : Avec comme conséquences que toute parole non consensuelle était prise comme une agression, car enfin nous sommes entre gens sympathiques, nous sommes tous gentils…

R ! : Et je suppose que tu as joué le méchant petit canard ?

D.F. : Oui. Puisque demander des explications, faire des remarques sur des dysfonctionnements, c’est progressivement être devenu un chieur. Sans compter que ces derniers temps, se sont ajoutées les « tensions » que, selon leurs dires, ressentaient les salariés du fait des divergences entre certains membres du CA et les membres du Collectif… De sauveurs de l’ancienne école, nous sommes devenus des fouteurs de merde !

R ! : Tu dois être assez amer ?

D.F. : En fait, je pense que nous avons surtout été naïfs, nous avons cru que nous pouvions faire évoluer la structure en prenant des responsabilités à l’intérieur. Or, ou l’on se coule dans le moule de la structure ou on veut en changer. Mais ce n’est pas en jouant le jeu de la structure qu’on peut la changer…

Il y a une déception aussi vis-à-vis de certains membres du CA qui ne se rendent pas compte qu’ils prétendent gérer une association d’éducation populaire et qu’ils dirigent plutôt une sorte de Club Med’. Pour eux, proposer des activités « socio-éducatives » et quelques événements, c’est ça l’éducation populaire.

R ! : De qui parles-tu quand tu dis « ils » ? Et n’est-ce pas un peu fort ?

D.F. : Pardon !, je parle à la fois des salariés et de la majorité du CA. Bien sûr je force le trait, il y a des choses très bien à la MJC, sinon je n’aurais jamais pensé à m’y investir. Mais je voulais dire que l’éducation populaire c’est, de mon point de vue, chercher à donner à chacun le moyen de s’émanciper et pas faire uniquement de l’animation. Or, les adhérents de la structure ont tendance à être considérés comme des « usagers » par les salariés. Les consulter sur l’évolution de la structure n’a pas de sens, puisqu’« ils ne font que passer ». Demander une certaine horizontalité, une forme d’autonomie de certains espaces, est une hérésie pour eux, parce qu’« enfin nous ne refusons jamais rien à personne, nous sommes ouverts ». Etc., etc.

En fait, j’ai maintenant l’impression que les MJC sont des associations plus ou moins fantoches, qui gèrent une délégation de service public, ce sont des structures non pas associatives, mais para-publiques. Structures dans lesquelles le personnel est de fait celui qui prend les décisions, le CA a avant tout un rôle de validation. En plus, c’est totalement sclérosé. Une anecdote : les statuts de la MJC indiquent que lors de l’élection des membres du CA, l’assemblée générale doit veiller « à promouvoir la prise de responsabilité au sein de la MJC des jeunes dès 16 ans ». Je ne sais pas quelle est la moyenne d’âge des membres actuels du CA, mais elle ne doit pas être loin des 50 ans, et des jeunes de 16-17 ans, ce n’est pas vraiment ce qui court les couloirs à la MJC…

R ! : Et maintenant ?

D.F. : Maintenant, il y a deux choses : d’une part, une assemblée populaire aura lieu le 22 mai et c’est elle qui décidera de la suite de l’engagement du Collectif ; d’autre part, le 28 mai, il y a une nouvelle réunion du groupe de projet, la concertation voulue par la mairie, et si nous y allons, nous proposerons peut-être de faire de l’ancienne école un lieu réellement autonome par rapport à la MJC. Nous avons, depuis longtemps, plein d’idées pour ce bâtiment. Il faut en faire une machine à rêves.

Article paru dans RésisteR ! #55, le 1er mai 2018.