A celleux qui marchent pour le climat et autres pacifistes



Repris de bxl.indymedia.org

A vous qui marchez, qui avez peur des habits noirs et de la violence, nous voudrions que ces quelques mots résonnent en vous comme une invitation à nous comprendre, à dépasser le prêt-à-penser médiatique et sa rhétorique, à chanter avec nous des slogans voire même à vous vêtir pareillement de noir pour faire bloc ensemble. Nous pourrions être votre fils, votre fille, un grand frère ou une grande sœur. Mais peu importe au fond qui se cache derrière nos masques, nous sommes comme vous, humilié·e·s par celleux qui nous gouvernent. Nous avons seulement dépassé certaines chimères et nourrissons une rage plus viscérale envers ce système qui ravage le vivant, broie les âmes et les corps et fait voler en éclats tous nos espoirs d’un avenir vivable et désirable. De cette passion vengeresse qui est tout ce qui nous reste, nous voulons détruire ce qui nous rend la vie impossible.

Si nous agissons de la sorte, c’est que nous avons aussi commencé par marcher pacifiquement. Sans doute certaines ont-iels cru un temps à la farce de la démocratie, pensé que nous pouvions faire pression par le nombre sur les politicien·ne·s et exiger d’elleux qu’iels répondent à nos revendications. Il ne fut pas long de comprendre qu’iels étaient davantage nos ennemi·e·s que nos représentant·e·s, perpétuant l’ignoble, trempant dans la magouille tout en méprisant le peuple, aussi nombreuses fussions-nous parfois dans la rue. Nous avons parfois lu, vu et entendu des choses tragiquement révoltantes et voulu encore refaire le monde. Certaines ont fréquenté le milieu militant, ses organisations de gauche et son triste folklore, fait de la désobéissance civile, des actions, des blocages, des rassemblements, des occupations… Chaque fois que nous avons tenté d’agir pour faire basculer la tendance, toujours nous avons rencontré les crocs de la répression et la nullité de l’événement médiatique que représentent deux minutes à la télévision. Nous avons pris des coups de matraque, nous nous sommes fait gazer et avons vu des êtres chers autant que des copaines inconnu·e·s se faire brutaliser sans raisons et sans défense. Entre temps, nous sommes devenu·e·s blasé·e·s des manipulations des médias comme de la violence policière. Nos revendications ont par trop de fois été souillées, notre pacifisme par trop de fois été torturé. Chaque défaite, chaque désillusion, chaque coup ramassé l’a été aussi dans nos tripes et ce fut un apprentissage douloureux malgré les moments de joie.

Ainsi nous avons pour la plupart trouvé dans le black bloc un refuge, une complicité et une force que nous ne trouvions plus ailleurs. Parce que le bloc s’organise de façon autonome sur des principes tactiques d’autodéfense face à la répression, de même qu’il offre la possibilité de porter des coups. A vrai dire, la plupart des gen·te·s qui composent un bloc ne cassent rien. Mais vêtu·e·s de noir et masqué·e·s, leur simple présence rend déjà plus difficile la sale besogne policière d’isoler les bras qui attaquent. Le bloc est toujours soudé face à la police et parvient quelques fois à les faire reculer, briser une nasse, créer une brèche dans les lignes, récupérer des copaines, en sauver d’autres des gaz ou des matraques. Nous faisons corps avec le bloc et le bloc fait corps avec nous. La violence toute relative du bloc ne vise jamais que les symboles du pouvoir et la répression policière. On veut nous moraliser sur la violence pour que nous restions inoffensi·ve·f·s. Mais lorsqu’on découvre que celle-ci fait changer la peur de camp, qu’elle peut faire trembler ceux qui nous piétinent, cette violence là ouvre des possibles.

Nous ne condamnons pas les pacifistes pour autant, c’est bien plutôt elleux qui nous condamnent, quand iels ne nous livrent pas tout bonnement en pâture à la police, comme certaines collabos de la pire espèce ont pu le faire. Pourtant, nous sommes là aussi pour vous défendre quand la répression s’abat dans vos rangs. Ne sous-estimez pas cela. Gardez aussi à l’esprit qu’on peut remplacer une vitre mais pas un œil, une main, des os ou des familles brisées, que ce soit dû à la répression ou à notre exploitation. On pense toujours que le malheur n’arrive qu’aux autres jusqu’au jour où il nous tombe dessus. En réalité, nous sommes tou·te·s vulnérables face à la violence de ce système en château de cartes qui peut faire plonger n’importe qui dans la misère à tout moment.

Il est depuis longtemps dans la nature du pouvoir de diviser pour mieux régner. Notre époque n’échappe pas au machiavélisme. C’est la raison pour laquelle la propagande nous enferme dans une image de casseureuse présenté·e comme immature, brutal·e, bestial·e et dangereuse. C’est encore l’inverse qui est vrai : nous avons un cheminement, une sensibilité, des revendications et sommes bien plus vos allié·e·s que le gouvernement que vous pouvez encore implorer pendant longtemps. Celui-ci nous décrédibilise et nous déshumanise à travers sa propagande parce qu’il nous craint. Il sait que peu nombreuses déjà, on peut lui faire mal.

Comme il est accablant de vous voir toujours si naïvement tomber dans ses ruses, reproduire sa propagande, de subir vos réprimandes et votre mépris pour avoir entaché vos deux pauvres minutes de revendications télévisées. Comme il nous enrage de vous voir cautionner une police qui matraque et qui gaze des individus qui sont de potentiel·le·s allié·e·s. Il est temps que vous compreniez ceci : votre non-violence se fait non seulement complice de la brutalité de la police mais elle est encore l’alliée la plus précieuse de la violence de ce monde, en ce qu’elle détourne les esprits révoltés dans des carcans pacifiés et inoffensifs. Vos leaders, cadres, représentant·e·s, petit·e·s chef·fe·s et autres bien-pensant·e·s auront beau toujours nous accuser et ajouter à notre procès en bon carriéristes promis au pouvoir, votre désolidarisation et votre collaboration avec la police bien plus encore sont en réalité d’une violence inouïe.

Qu’à cela ne tienne, nous ne sommes pas là pour condamner sur un ton accusateur mais pour nettoyer la crasse de vos yeux et de vos oreilles. Peut-être, nous verrons, nous nous entendrons mieux ensuite, comme il en va de la plupart des Gilets Jaunes d’avec qui nous avons quasi fusionné. Quoi qu’il advienne, nous sommes pour la convergence dans le respect des différentes formes de lutte, la stratégie de leur articulation et la reconnaissance de cibles et d’ennemis communs. Nous ne nous désolidariserons pas d’un·e pacifiste en proie à la police mais espérons autant en retour. Rien ne saurait mieux nous réjouir que de voir des affinités grandir entre nous, contre la violence de ce monde. Que le noir se répande et soit la couleur pour le deuil de tout ce qui subit, la colère de tout ce qui sévit, le refuge de tout ce qui survit.