Vittel Nestlé - Le procès

Vittel (88) |

Le procès pour prise illégale d’intérêt dans l’affaire de Vittel s’est déroulé le 15 septembre au tribunal correctionnel de Nancy. Derrière l’ex-élue sacrifiée et une association-officine de Nestlé plutôt épargnée, c’est une caste politique au service de Nestlé qui se trouve mise à mal avec cette affaire. Pour les défenseuses et défenseurs de l’eau, la lutte continue !

A Vittel, la nappe qui approvisionne les habitants en eau potable est menacée d’épuisement, principalement à cause de Nestlé qui prélève aussi dans cette nappe pour ses bouteilles VITTEL export. Depuis 2010, un « schéma d’aménagement et de gestion de l’eau » est en cours d’élaboration pour tenter de résoudre ce grave problème. En 2016, une première « solution » avait consisté à construire un pipeline. Fin 2019, ce projet insensé a été abandonné par l’Etat sous la pression du Collectif Eau 88.

Toute cette histoire, vous pouvez la retrouver dans les précédents articles parus dans Manif’Est et dans ces deux vidéos du Collectif Eau et de L’eau qui mord datées de 2019 (ou sur YouTube) et de 2021 (ou sur YouTube).

Le conflit d’intérêt

De 2012 à 2016, une élue, Claudie Pruvost, alors Adjointe au Maire de Vittel et Conseillère départementale, a présidé la Commission locale de l’eau (la CLE), instance de pilotage du schéma de l’eau.

Elle a sous-traité l’essentiel de sa mission à une association de Vittel, « La Vigie de l’Eau ».
Il se trouve que la Vigie avait été financée largement par Nestlé avec « 300 000 euros à sa création et le paiement de prestations dans son fonctionnement habituel ». Et qu’elle était présidée par Bernard Pruvost, époux de Claudie et cadre dirigeant chez Nestlé.
Les « solutions » proposées par Claudie Pruvost et La Vigie étaient toutes en faveur des intérêts privés de Nestlé et non de l’intérêt général.

C’est en 2016 que le Collectif Eau 88 a découvert ce conflit d’intérêt majeur. ANTICOR a déposé un signalement auprès du Procureur d’Epinal qui a lancé une enquête préliminaire.
En 2018, l’enquête a été transférée au Tribunal de Nancy, car la Vice-Présidente du Tribunal d’Epinal n’était autre que l’épouse du Directeur de l’usine Nestlé Waters de Vittel…
Fin 2019, on nous a annoncé que le procès était imminent.
Celui-ci a été programmé fin 2020 seulement et reporté à septembre 2021 au motif de l’absence de Claudie Pruvost et de son avocat.

Notons que les reports ont évité que cette affaire ne perturbe les trois dernières campagnes électorales.

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Le procès et la manif

Deux personnalités sont prévenues dans ce procès pour suspicion de prise illégale d’intérêt : l’ex-élue Claudie Pruvost et l’association La Vigie de l’eau. Les parties civiles sont ANTICOR ainsi que l’association Vosges Nature Environnement dont le Président est aussi porte-parole du Collectif eau 88.
Le procureur de la république a requis :

  • contre l’ex-élue, 6 mois de prison avec sursis, 5 ans de privation de droits civiques et 10 000 euros de dommages et intérêts
  • contre la Vigie, 10 000 euros de dommage et intérêt.
    Claudie Pruvost et la Vigie de l’eau ont toutes deux demandé la relaxe. Le délibéré du jugement aura lieu le 10 novembre 2021.

Pendant le procès, une trentaine de manifestants et manifestants avaient répondu à l’appel du Collectif Eau 88 et ont fait entendre leurs voix sur le parvis du tribunal.

Le système Nestlé

La situation à Vittel ressemble à un sac de nœuds dont les cordons seraient tenus par Nestlé.
La multinationale exerce une véritable emprise sur le territoire :

  • Elle s’accapare l’eau et les terres via sa filiale Agrivair, créée en 1992 et qui contrôle environ 80% des terres agricoles recouvrant les nappes exploitées par Nestlé
  • Elle influence les choix économiques des institutions et élus via Eco-Plaine, une association créée en 2012 par le même Bernard Pruvost qui en est toujours le Président.
  • Nestlé influence aussi la population via l’association La Vigie de l’eau créée en 2007. La Vigie a quitté la CLE mais reste très active. Munie de son agrément par l’Éducation nationale, elle apprend aux enfants à développer des comportements en adéquation avec les stratégies de la multinationale…

La filiale Agrivair et les associations-officines de Nestlé sont très intriquées.
Pour exemple : Marc Benoit, l’actuel Président de la Vigie, est un chercheur INRA partenaire historique d’Agrivair, filiale Nestlé chargée du programme de protection des nappes exploitées par…Nestlé.

Toutes ces organisations sont des pièces maîtresses du système Nestlé ; il est donc essentiel, pour la multinationale, qu’elles soient préservées dans cette affaire.

Une caste politique au service de Nestlé

Claudie Pruvost a quitté la CLE elle aussi. Elle a été rayée du paysage politique par ses mentors qui eux, sont toujours présents. C’est la sacrifiée de service !
Même si elles semblent avoir échappé au procès, ce sont les autorités et toute une caste politique qui se trouvent mise à mal avec cette affaire : les préfets successifs, le président du Conseil départemental et régional et d’autres élus, au premier rang desquels Jean-Jacques Gaultier, l’ex maire de Vittel devenu député …

Ils ont toujours privilégié les « solutions » favorables aux intérêts de la multinationale, au détriment de l’intérêt général. Cela en se reposant sur un ensemble d’experts dont les avis sont construits essentiellement à partir d’informations fournies par Nestlé et invérifiables du fait de l’insuffisance des moyens de contrôle par l’Etat.

Tous ont pris leurs décisions à l’aveugle. Ce sont eux qu’il faudra bien finir par juger !

Au-delà des politiques locaux, c’est une responsabilité au plus haut niveau qui est engagée comme en attestent les liens existants entre Emmanuel Macron , ex-banquier devenu ministre de l’Économie et plus… et Peter Brabeck, ex-PDG de la multinationale Nestlé.

La lutte continue !

Depuis la révélation de ce conflit d’intérêt en 2016, il aura fallu attendre plus de 5 ans pour voir la justice aboutir à un premier jugement. Cette histoire n’est vraisemblablement pas terminée puisqu’en fonction du verdict, l’une ou l’autre des parties pourra faire appel.
Nous vous tiendrons informéEs des prochaines phases de ce dossier.

Si nous saluons que des peines soient bien requises contre les prévenues, nous regrettons fortement que l’ensemble du réseau d’influence ne soit pas visé par la Justice, à savoir Nestlé, la préfecture ainsi que les élus locaux de premier plan qui se cachent derrière la Vigie de l’eau et Claudie Pruvost.

Afin de prévenir tout autre conflit d’intérêt, nous pensons qu’il est indispensable d’écarter Nestlé et ses officines des sphères décisionnaires du schéma d’aménagement de l’eau sur notre territoire.

Face à la gravité et l’urgence du problème, nous appelons aussi solennellement l’état et nos élus locaux à reprendre enfin les rênes de ce dossier et à agir dans l’intérêt des citoyens et de l’environnement, plutôt que celui de Nestlé.

Dans cette affaire, la collaboration d’ANTICOR avec le Collectif ne fait que renforcer notre détermination à agir.

La lutte continue car l’eau est à nous, pas à Nestlé ni à aucun autre minéralier !
L’eau pour la vie, pas le profit !

Ce texte est le script d’une vidéo de L’eau qui mord que vous pouvez VOIR ICI : Vittel Nestlé - Le procès (ou sur YouTube) (détail des sources dans le descriptif de la vidéo)