Non-Concours littéraire en écritures inclusives : pourquoi ? comment ?



Aux lendemains du coup de force du sénat et son caudataire de l’élysée (en minuscules, principe d’égalité) contre l’écriture inclusive (sic !), une maison d’édition associative du Lot a lancé un NON-concours de lettres où le règlement demande pour avant le 8 mars 2024 des textes inédits utilisant les ressorts les plus vivants de notre langue : accord de proximité, emploi d’épicènes, création de néologismes, pronoms dégenrés, genre neutre et point médian (qui, contrairement aux idées reçues, préexistaient à la règle de Vaugelas, lequel prétendait à l’époque classique que, “puisque plus noble”, le masculin l’emporterait sur le féminin). S’exprimer aujourd’hui en chargeant nos pluriels de sens nouveaux qui ne doivent rien au masculinisme ambiant, de manière claire, intelligible, lisible, prononçable, c’est tout à fait jouable... Et c’est une nécessité face aux temps bruns que nous vivons !

Le masculinisme a de beaux jours devant, des siècles de domination l’attendent !

La période est dure aux gens de misère. Politiques de réarmement ; suréquipement des polices aux frontières contre les hors-espace Schengen ; accroissement des techniques de contrôle des foules et de matériel d’élimination physique des protestataires ; protection des industries pourvoyeuses d’enfants, de maltraitance des personnes et de traite humaine ; travail forcé des populations stigmatisées ; perpétuation de la culture du viol dans les arts, dans les entreprises et dans la cellule familiale ; indulgence pour les coupables de féminicides ; complaisance pour la violence systématique de genre ; esprit de (re)conquête militaire des (ex)colonies ; suppression du droit du sol à Mayotte ; encouragement officiel en faveur des identitaires contre le fantasme du grand renversement ; uniformes scolaires ; service national universel... J’en oublie ! Ce n’est pas du délire, je n’invente pas, je n’extrapole pas, chacun de ces items se décline sur des pages entières de nos moteurs de recherches avec au premier plan tous les organes de presse de l’empire Bolloré dont la force de frappe indépassable de ses 170 milliards d’euros est au service exclusif de l’occident chrétien, tour à tour martyr et génie. Pas d’illusions à se faire :
c’est une jeunesse, la nôtre qu’on met progressivement au pas, sommée de se taire et obéir.

Quatre mois après, mais à qui elle appartient, la langue ?

À toustes ?... Faut voir, faut voir !... C’était si facile alors ! début novembre, tout nous était possible : soutien d’Éliane Viennot, venue enthousiaste de linguistes atterrées au sein de notre cercle de lecture qui ne cessait de s’élargir à partir de la grammaire du français inclusif d’Alpheratz, premiers textes, de beaux textes, premiers dons, jolis dons... et puis, tout a soudain stagné avant les fêtes de fin d’année, aucun article sur aucune presse, même de la part de journaux ou de journalistes travaillant sur le genre et sur le féminisme radical.
L’ambiance où nous sommes toustes plongé·es en est certainement la cause ?
Alors ?...

Un NON-concours ?... C’est une plaisanterie ?...

—  Bon, on a aussi appelé notre initiative Floralies littéraires inclusives, en réminiscence aux cérémonies licencieuses de la Renaissance qui fêtaient Flore, divinité de la germination, en région toulousaine.
— Passe pour Floralies, mais où trouver l’équité entre littéraire et inclusivité ?... On le voit bien : Trop de littéraire, et alors, adieu l’inclusion, on culmine dans l’élitisme. Trop d’inclusion, et alors, finie la littérature, on fricote avec les bas-fonds queers et protestataires égocentré·es de tous bords.
— M’enfin ! ne peut-on pas écrire littéraire dans une forme populaire ? penser à l’argot d’un Frédéric Dard, penser au cajin du Grand pas vers le bon dieu de Jean Vautrin...
— Trop loin, trop daté encore, autant penser à l’Ulysse de Joyce... Non, non, décidément non, une forme populaire en littérature, ce n’est plus du populaire, c’est de la récupération.
— Oh ! que nos livres soient lus par les gens de lettres, qu’iels nous stabilotent, nous écorniflent, nous signalent à l’académie françoise, nous dénoncent aux ex-RG, actuelles DG, SE et SI, qu’on émeuve la gentry, qu’on émoustille la Jet-Set, qu’on encolère les bienpensants, tout, tout ! mais pas le silence !
— Quelle prétention !... comment oser prétendre égratigner ne serait-ce qu’un millième de la gent masculine, sa superbe suffisance, sa séculaire arrogance, son éternelle auto-complaisance ?...

Alors ?... On manifeste encore ?... – Un manifeste, c’est ça ! Magnifique ! Créons un manifeste !

Manifeste des membres du Cercle de lecture du Non-Concours littéraire de genres courts en écritures inclusives, sacre du printemps 2024.

Manifeste mis en voix par Pauline Dupuis :

https://video.liberta.vip/w/qeSFT5b11xprTB2GAjEWgY

MANIFESTE « La langue n’appartient à personne... »

La langue est au service de celleux qui s’en servent pour dire ce qu’iels veulent, comme iels peuvent. À de nombreux titres, elle est ainsi un instrument de libération.

Mais la langue est aussi un champ de bataille. Depuis toujours, les instances dominantes cherchent à imposer LEUR “bon usage”. Comme si seule était légitime læ locutaire qui s’exprime selon leurs règles.

Derrière le fallacieux prétexte de préserver la langue, cette instrumentalisation poursuit en réalité au moins 2 objectifs visant à préserver les conditions de l’actuelle suprématie patriarcale :

  • discriminer celleux qui ne maîtrisent pas le bon usage pour disqualifier a priori leurs paroles dans l’espace public ;
  • rendre impensable l’abolition de relations de domination en privant les locutaires des mots et des tournures nécessaires pour la dire ou la penser.

Récemment, cette stratégie a connu en France un nouveau développement avec, le 30 octobre dernier, la proposition de loi du sénat d’interdire aux organismes privés, entreprises ou associations “l’écriture inclusive” (sic !) dans l’espace public.

Ce qui montre une flagrante ignorance du sujet par le conseil des anciens (et des anciennes, mais restons charitables) :

  • il n’existe pas une écriture inclusive, mais différents usages inclusifs de la langue, dont certains ont cours dans les expressions les plus ordinaires, y compris la bouche des autorités qui prétendent les interdire. Pensez aux noms de métiers féminisés (« infirmiers-infirmières »), pensez aux « Françaises, Français, travailleurs, travailleuses », etc.
  • Au-delà de son inculture, ce pilotage hétéro-normatif repose sur l’inaltérable intention de déposséder de la langue celleux pour qui elle est l’unique recours – légitime – susceptible d’exprimer leurs situations, leurs aliénations...

Nous nous inscrivons en faux contre cette nouvelle tentative d’abus des pouvoirs.

Les mots libèrent

Les entraver fait violence

Et, puisque l’argument affiché est celui de l’esthétique et de la lisibilité, nous nous proposons ici de faire œuvre de littérature.

La beauté dans l’œil qui regarde,
dans le regard qui lit,
dans la lecture qui ré-écrit la beauté...

En langue ou en littérature, les nouvelles donnent à revivre, la poésie donne à ressentir. Et si les textes recueillis au printemps par notre cercle de lecture ne plairont pas toujours à tous les publics, ils interrogeront en tout cas le monde observé : celui où nous vivons.

Par ces Floralies, nous participons à des pratiques vives avec la claire conscience de leur double portée, éthique et esthétique.

La langue n’appartient à personne.
La langue appartient à toustes !
Et cela suffit.

Pour envoyer les soumissions

P.-S.

Sûr que le virilisme va trembler sur ses bases. Le manifeste en pétition à signer et relayer : https://www.leslignesbougent.org/petitions/ouvrir-la-litterature-de-genres-courts-aux-ecritures-inclusives-16563/
On peut se faire en images animées une idée de l’initiative depuis son origine jusqu’au projet du livre à paraître (tirage à proportion de la collecte obtenue) : https://video.liberta.vip/w/htVszDuM8KRNMbVLo7AeVa