Autopsie de la folie



Pour rompre ma solitude à l’heure du déjeuner — un velouté de pois cassés — j’ai eu la faiblesse d’allumer le poste. Pure inconscience ! Comme pris de fascination morbide, je me suis infligé jusqu’à la nausée les élucubrations d’un certain Éric Woerth battant breloque à fond les ballons sur France Inter, à un niveau tel que si la folie courbait l’espace-temps, nous aurions assisté en direct à la naissance d’un trou noir. Voilà, pour ceux d’entre nous qui dormaient encore, c’est dorénavant acté : lui et ses semblables sont à enfermer de toute urgence dans des asiles sur mesure. Il n’y a pas d’autre façon de se protéger des fous lorsqu’ils atteignent un tel degré de dangerosité.

Dangereux et monomaniaques avec ça, car c’est peu dire s’ils poursuivent une idée fixe : celle que l’économie « reparte ». Ils n’ont que ça à la bouche, ces cinoques, ils en trépignent d’impatience. À les entendre, tant que le pétrole ne recoulera pas à flots, tant que les usines ne retourneront pas à plein régime, tant qu’elles ne recracheront pas un maximum de fumées délétères, tant qu’elles ne redégueuleront pas des torrents de boues toxiques, tant que l’armada des porte-conteneurs ne resillonnera pas la planète en tous sens : point de salut ! Résilience, extravaguent-ils. C’est d’ailleurs fou à quel point tous ces gens qui n’avaient hier que les mots « changement » et « réforme » à la bouche sont aujourd’hui obnubilés par le retour au monde de naguère, et ce, tout en nous affirmant, avec cet air si bête se voulant pourtant grave, que plus rien ne sera comme avant. Bon, ne persiflons pas davantage, étant entendu que les seules réformes fomentées par ces fêlés n’ont jamais été que des changements de vitesse. « Garder le cap », braver les tempêtes en abattant sa police contre la populace pour en briser les vagues, voilà le grand délire des capitaines Ubu, entonnoir sur la tête, à la barre de l’État. Cap sur les profits, cap sur la rentabilité ! Plus vite, merdre ! Plus vite, caca-rente ! Caca-rente ! Caca-rente !

Représentation théâtrale d’Ubu roi (pièce d’Alfred Jarry, 1896)

Éric Woerth, mince, Éric Woerth ! Faut-il être dément pour tendre son micro à pareil gibier de potence ! Le zigue trempe dans tellement d’affaires que la justice ne sait plus où donner du marteau, et il aurait son mot à dire ? Et puis d’ailleurs, tiens, que bave-t-il ? « Reprise de l’économie », « booster la croissance », « travailler plus », « augmenter la productivité », « gagner en compétitivité », « reculer l’âge de la retraite », « réduire la fonction publique », « rembourser la dette »… Ma parole, dans quel siècle vit-il ? C’est comme si on écoutait un auguste savant nous parler de ses dernières découvertes sur le phlogistique ou l’éther luminifère ! Dites donc, vous qui accordez du crédit à un tel toqué, manifestez-vous, on veut vous connaître, on veut comprendre, donnez votre corps à la science pour faire progresser la recherche sur la neurodégénérescence. Vous qui avez tant nui de votre vivant, ayez au moins la décence d’être utiles dans la mort.

Comment ose-t-on donner la parole à ce sinistre personnage qui a tant fait pour la dégradation de la vie et qui s’obstine à vouloir la dégrader encore en appliquant les mêmes foutues recettes ? Croissance ? Sérieusement ? Moi, j’arrive très bien à faire comprendre à une enfant de dix ans que rien ne peut croître sans limite dans un monde fini. Si encore il n’était question « que » de cela ! Mais ça dépasse de loin toute forme de déraison, c’est de la folie furieuse. La Sainte Croissance économique, c’est, faut-il le rappeler, le merveilleux idéal consistant à accroître sans cesse le taux d’augmentation du produit intérieur brut. Expliquez ça à une collégienne en tentant de garder votre sérieux, et vous verrez, elle froncera les sourcils en se demandant si vous vous moquez d’elle ou si vous avez une araignée au plafond, mais alors bien rongé par les termites, le plafond, troué pire qu’une passoire et ne retenant plus rien de rien. Un peu plus tard, quand elle sera au lycée, elle découvrira suites géométriques et fonctions exponentielles ; alors s’ouvrira à elle tout un monde d’absurdité. La question est donc la suivante : par quelle défaillance du système éducatif a-t-on pu permettre à ces gens-là d’avoir leur brevet des collèges, d’entrer au lycée et, plus grave encore, d’obtenir des diplômes qu’il conviendrait plutôt de renommer permis de nuire ? Kenneth Ewart Boulding est connu pour avoir semble-t-il dit que « celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Oui. Ou alors le dernier des cancres. Ou un pourri pétri de cynisme. Ou un esprit faible rendu abruti. Ou un sombre idiot. Mais c’est souvent un peu tout ça à la fois, il faut bien le reconnaître.

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Citation attribuée à Kenneth E. Boulding (1973)

En science, un phénomène de cette nature au cours duquel une grandeur s’accroît exponentiellement porte un nom. Ça s’appelle une instabilité. Et une instabilité, par définition, ça ne peut se maintenir. Ça débouche toujours sur une rupture brutale avec, pour effet, une altération plus ou moins durable du milieu environnant. Lorsque la rupture est peu intense, elle est facilement absorbée par le milieu sans que cela le perturbe sensiblement et un retour à l’équilibre survient assez vite, au contraire des ruptures aux très grandes échelles qui, elles, provoquent de véritables bouleversements, lesquels peuvent à leur tour s’emballer pour des conséquences difficilement prévisibles. Autrement dit, réclamer plus de croissance, c’est désirer un monde rythmé par les crises, les « bulles » qui explosent, les krachs, les plongeons et les sursauts erratiques. Mais il ne s’agit là, somme toute, que de petites ruptures de rien du tout qui n’ont jamais grippé bien longtemps un système ayant réussi à rendre acceptable — du moins pour la partie d’entre nous la plus débile — cette idée folle selon laquelle on peut se retrouver à la rue du jour au lendemain à cause d’un boursicoteur anonyme sis à l’autre bout du monde. En revanche, je vois mal comment ce système économique parviendra à nous faire accepter les conséquences dramatiques de la rupture écologique qu’il a enfantée et que l’on voit déjà à l’œuvre aujourd’hui.

Tels des parasites poussant leurs hôtes à se donner la mort, les gourous les plus cruels peuvent amener des faibles d’esprit à se suicider collectivement. C’est exactement ce que nous enjoignent les chantres de la Sainte Croissance : tuez-vous à la tâche ! Mais pourquoi ? leur demandons-nous non sans malice. Comment ça, pourquoi ? s’étonnent-ils, surpris par une question aussi incongrue. Pour créer des emplois, c’est évident voyons ! nous répondent-ils en prenant le Ciel à témoin de notre nescience. Revenons à la charge afin de mieux évaluer leur stade clinique : mais des emplois pour quoi faire ? Alors là, les bras leur en tombent devant tant d’ignorance, d’effronterie et de naïveté mêlées. Tandis qu’ils les ramassent et se les remettent en place, leur cerveau malade cherche une explication irrationnelle à notre saillie comme nous le révèle un examen rapide de leur visage qui affiche à présent un air des plus idiots. C’est que, voyez-vous, comme tous les imbéciles, ils regardent le doigt. Pour eux, la vraie question qui vaille à cet instant précis est de savoir qui nous sommes. Des écolos utopistes ? Des anti-démocrates ? Des nostalgiques de l’URSS ? Des adorateurs du Vénézuéla ou, indifféremment, de la Corée du Nord ? Des black blocs qui terrorisent les vitrines ? Des jobards sans éducation ? De simples petits plaisantins ? De la réponse qu’ils choisiront dépendra le dénigrement dont nous ferons l’objet. On peut leur reconnaître ça : ils ont un véritable savoir-faire en la matière. Observez leurs subtils soupirs d’impatience et leurs petits rires étudiés qu’ils feignent de réprimer pour nous rabaisser à l’état d’enfants chamailleurs qui importunent les adultes. Allez, c’est promis, la prochaine fois ils feront des efforts de pédagogie afin que nous comprenions mieux ce qui est bon pour nous.

Eux, ils savent, figurez-vous. Ils ont fait les études de ceux qui savent, comme l’avaient fait avant eux leurs parents et comme le feront demain leurs enfants. Ils s’autorisent à nommer cela « mérite » car c’est le propre des dominants que de créer de toute pièce une fable les rendant nécessaires, quitte à dénaturer les mots. Aucun contresens ne les effraie d’ailleurs, il suffit pour s’en convaincre de lire les noms de leurs réformes, noms qui synthétisent l’exact inverse de ce qu’elles contiennent. Mentir n’est pas mentir quand on décide de la vérité et du sens des mots — la preuve, ils appellent ça communiquer. Divaguer n’est pas divaguer non plus quand on a des médias pour nous prendre au sérieux.

Ils savent, disais-je, ils savent parce qu’ils sont. Eux, ils sont dans la pensée complexe. Les chiffres, les taux, les prévisions de croissance, tout ça c’est très sérieux, c’est technique, trop technique même, il ne faudrait pas nous ennuyer avec ça ; faisons-leur confiance puisque, encore une fois, ils savent. Ils sont dans le monde réel contrairement à nous autres qui rêvons debout. Les artistes ? Des rêveurs ! Les scientifiques ? Peut-être plus encore ! Pardon ? Qu’y a-t-il de plus réel entre des liquidités virtuelles et des sentiments ? Entre des règles budgétaires édictées au doigt mouillé et un taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ? Ce sont eux, les idéalistes ! Ils croient en un monde où les ressources se renouvellent d’autant plus vite qu’on les pille ! Ne riez pas, bordel, ces timbrés y croient dur comme fer ! Nous avons affaire à un pouvoir religieux placé entre des mains radicalisées. Voyez le sort qu’il réserve aux hérétiques ! L’Église, au fil des siècles, brûlait tous ceux qui osaient mettre en doute la véracité des récits bibliques, puis, quand ils devinrent si nombreux qu’elle manqua de bois pour tous les réduire en cendres, elle dut se réinventer : la bible dit vrai mais sous forme de parabole, leur sens étant à trouver dans la foi. Point. Malin ! Trop sans doute pour nos fiers-à-bras qui n’en sont pas encore à ce stade. Les moins fanatiques d’entre eux préparent quand même leur défense au cas où la chute surviendrait plus tôt que prévu. La crise du covid-19 en constitue une répétition générale : « on ne pouvait pas savoir », « on ne pouvait pas prévoir », « les Français nous ont élus pour que nous appliquions notre programme ». (À l’heure de rendre des comptes, gageons qu’ils troqueront leur arrogant « moi je » pour le « nous » : diluer sa responsabilité, c’est le b-a-ba du délinquant.)

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Température planétaire moyenne exprimée en écart à la moyenne de la période 1951-80. Courbe générée par les rêveurs de la NASA

Ils ne pouvaient pas savoir ? Allons bon ! Ils veulent nous faire avaler ça quand les rapports alarmants sur l’état du monde s’accumulent depuis des décennies ? Jusqu’où s’enfonceront-ils dans le déni ? Ne sont-ils pas censés recueillir les recommandations des experts — je ne parle pas des cuistres de plateaux qui font la tournée des chaînes de droitisation en continu — pour, justement, prévoir ? Alors, quoi ? Les Français ne sont pas prêts, c’est ça ? Il ne faudrait pas prendre des mesures impopulaires ? La bonne blague ! Ils n’ont jamais pris que ça, des décisions impopulaires, c’est même ce qui fait leur fierté, à ces sociopathes ! Ils arriveraient à nous faire entrer dans le crâne — quitte à l’ouvrir à la matraque — l’idée qu’il faut travailler toujours plus avec moins de filets de sécurité, mais ils se révéleraient incapables de nous faire entendre qu’il faut moins bousiller l’environnement ? À qui pensent-ils faire accroire ça ? Ils n’ont aucune limite. Aucune.

En ce moment, plus encore qu’à l’accoutumée, ces cintrés se réfugient derrière « les réalités économiques » et cet inénarrable « pragmatisme ». Mais qui leur dira un jour que ça n’existe pas, « le pragmatisme » ? Ça n’a pas de sens dans l’absolu, le pragmatisme. Ça s’adosse toujours à un cadre de pensée, fût-il dégénéré comme le leur. Le pragmatisme, c’est la carte maîtresse qu’ils sortent de leur manche quand il s’agit d’apporter une réponse simpliste à une question de fond. Essayez, pour voir, de partir du constat qu’il y a plus de logements vides en France que de sans-abris, puis de conclure pragmatiquement qu’il faudrait, d’une part, durcir les conditions sous lesquelles un logement peut rester vacant, et, d’autre part, prévoir comme sanction envers les contrevenants une réquisition de leur logement pour extraire quelqu’un de la rue (vous savez, je parle de ces SDF dont l’extrême-droite voulait absolument qu’on s’occupe quand on parlait encore des « migrants »). Alors là, vous les verrez crier au simplisme. C’est quand même souvent commode d’être dénué d’éthique.

Et cette prétendue réalité économique à laquelle il faudrait s’adapter pragmatiquement, qu’est-ce sinon la résultante de décisions antérieures qui, déjà, avaient été prises pour s’adapter à la réalité économique d’alors qui, elle-même, découlait de décisions prises plus tôt, lesquelles avaient été dictées par la réalité économique qui… ? Que de choix ont été faits toutes ces fois où nous n’avions pas le choix ! Oui mais c’est la faute de la conjoncture, ânonnent-ils. Quand elle est mauvaise, il faut savoir faire des sacrifices, et quand elle est bonne, il faut en faire encore, pour, au choix, soit la maintenir, soit prendre les devants à la vue des nuages qui, prétendent-ils, s’amoncellent à l’horizon. C’est peu dire s’ils ont l’anticipation sélective.

Le pragmatisme, aujourd’hui, c’est de rembourser la dette. Voilà. À qui ? Demandons-le-leur. Aux « marchéfinanciers » nous répondent-ils. Qui c’est, ça, les « marchéfinanciers » ? C’est toi ? C’est moi ? C’est lui ? C’est elle ? C’est nous ? Le monde entier ? Nous nous devons à nous-mêmes du pognon que nous inventons selon nos besoins ? Vous voulez dire que si A doit 100 à B et B doit 100 à A alors la dette totale cumule à 200 et chacun est tenu de trimer pour rembourser l’autre avec intérêts et intérêts sur les intérêts ? Ha ! Ha ! Ha ! Quel bel hommage aux Shadoks ! Comment ça, c’est la vérité vraie ? Mais qui peut croire pareille dinguerie ? Qui donc, sinon de parfaits siphonnés ? Les enfermer est une nécessité absolue, un besoin vital.

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Honoré Daumier, Le Malade imaginaire (circa 1860-62)

Derrière toute posture se cache une imposture. La crise du covid-19, aussi dramatique soit-elle, a au moins le mérite de faire craquer par endroits, sous la pression des puissants intérêts qu’il couvre et couve, le vernis du pragmatisme. Impossible de ne pas voir avec quel empressement nos ploutocrates se portent au chevet de l’économie qui souffre, avec quelle flamme ils prodiguent leurs soins à nos monstres industriels au premier signe de fièvre, avec quelle sollicitude ils rassurent les marchéfinanciers, eux toujours si frileux, si inquiets de la stabilité du terrain sur lequel ils jouent la vie des autres. Aucun milliard n’est trop beau lorsqu’il s’agit de porter secours à nos fleurons de la pollution des corps, des esprits et du monde. Ils en inventent tout exprès, et ils en inventeront tant qu’il faudra. Moitié Diafoirus, moitié Docteur Maboul, ils luttent avec l’énergie du désespoir contre les organismes afin d’en sauver les cancers. Quand on pense qu’il y a encore quelques mois, un même sentiment d’urgence leur commandait de rogner sur tout ce qu’ils pouvaient de façon à gratter quelques malheureux millions sur notre dos. L’ennemi restera toujours le type qui vivote avec les minima sociaux sans porter atteinte à personne, pas le tyranneau à la tête d’une holding qui nuit au plus grand nombre. Donner de l’argent à un pauvre, c’est l’assister ; en donner à un riche, c’est le soutenir. On connaît la chanson.

Chez eux, la seule chose qui réfléchit, c’est le miroir de la salle de bain. Alors ne nous étonnons pas s’ils voient tout à l’envers. Pour eux, la logique ne sert pas les arguments, ce sont les arguments qui servent la logique. Si un argument va dans leur sens, alors il s’inscrit dans un schéma logique. Sinon, il n’en procède pas. Simple, non ? Essayez par exemple de trouver parfaitement illogique que des produits cultivés à un bout du monde, transformés et retransformés à l’autre bout — jusqu’à ne plus contenir aucun intérêt nutritif —, coûte trois fois moins cher que des produits frais de proximité, malgré toute la main-d’œuvre, la matière première et le transport que cela requiert, au point où il serait plus juste de parler de valeur retranchée que de valeur ajoutée. Eh bien ils vous assureront que non, que c’est tout à fait logique et naturel, que si l’on veut que les choses changent, il faut baisser le coût du travail en France, combler les déficits publics et interdire le voile durant les sorties scolaires. Incroyable. Dites-leur, études à l’appui, qu’il serait beaucoup plus avantageux de réduire drastiquement les emballages et d’adopter des systèmes de consigne plutôt que de les surproduire et d’en imparfaitement recycler une mince partie, et ils vous prouveront par a + b = c – d, selon les règles d’une logique toute particulière, que vous avez tort et que, de toute façon, si l’on veut que les choses changent, il faut baisser le coût du travail en France, combler les déficits publics et interdire le voile durant les sorties scolaires. Ce sont des maniaques.

Ils prennent tout à l’envers, vous dis-je. Dans leur esprit entamé, ce n’est pas l’économie qui est au service de l’être humain, mais l’inverse. Nous devrions travailler sans relâche et consommer sans compter. Travailler pour consommer, consommer pour vivre, vivre pour travailler, et ainsi de suite. Nous devrions gagner notre vie comme si la vie commençait véritablement le jour de notre premier contrat de travail, le jour de notre premier emploi. L’emploi, ce mot affreux qui nous chosifie, nous rabaisse au rang d’ustensiles aux mains des cupides. Comment a-t-on pu à ce point galvauder la notion de travail, lequel ne devrait être, après tout, que notre contribution au bien-être commun ?

C’est de ce bien-être dont il nous faudra viser la croissance. Car le mot « croissance » n’est pas tabou, voyez-vous, il suffit simplement de l’employer dans un contexte sensé. Nous commencerons par nous réapproprier les mots qu’ils nous ont confisqués et salis.

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Fractale

Tendez-leur vos micros si vous le voulez. Nous, nous ne les écouterons plus. Invitez qui bon vous semble sur vos plateaux, nous ne les regarderons plus. Parce qu’ils nous font honte. Parce qu’ils n’en ont plus pour longtemps. Bientôt, nous démantèlerons cette association de malfaiteurs, nous déferons cette engeance. Nous instituerons une véritable démocratie à dimension fractale dénuée de tout pouvoir central car le pouvoir n’a jamais attiré que les tyrans, car un président n’est jamais qu’un dictateur mal bridé par une constitution. Nous nous débarrasserons de l’homme providentiel comme nos aînés se sont débarrassés de Dieu. Nous repenserons l’utilité du travail, nous le partagerons, nous le réduirons, nous limiterons autant que possible nos déprédations environnementales puisque plus personne n’aura intérêt à nier que la nature est notre atout et notre bien commun. Il n’y aura plus de compétition organisée entre les travailleurs, plus de concurrence imposée, mais de la collaboration et de la solidarité, la vraie s’entend, pas cette pitoyable solidarité de façade qui se met actuellement en scène aux balcons.

Nous serons un peuple éclairé, et, pour trouver un vaccin définitif à leur folie, nos historiens, nos sociologues, nos philosophes, nos psychologues, nos anthropologues commenceront par en faire l’autopsie.

Raphaël
Mulhouse, fin avril – début mai 2020