Autant en emporte le vent



Pour celles et ceux qui habitent aux alentours de la commune de Batilly en Meurthe-et-Moselle, quand la direction du vent est défavorable, il y a de temps en temps une forte odeur de solvant dans l’air, un peu comme si quelqu’un avait ouvert un gigantesque pot de peinture à l’ancienne.

Localement on dit que l’odeur provient de l’usine Sovab de Renault – 43 années d’activité avec 720 véhicules utilitaires (Renault Master) assemblés par jour par les « environ » 2 800 employé.e.s du site. [1]

Selon le mémoire de stage de Claire Aubert à l’École des hautes études en santé publique (2008) « l’Evaluation des risques sanitaires et impacts olfactifs…des odeurs générées par les sites industriels de Renault » (le document est apparemment confidentiel mais en accès libre sur Internet – tapez « Sovab Batilly pollution »), on est au courant du problème. [2]

Mais, dans sa conclusion (p. 61) Aubert affirme que :

« rien n’indique ici qu’un risque sanitaire inacceptable, évalué selon une méthode toxicologique conventionnelle, soit encouru par la population alentour. »

Comme Renault Sovab – certifié ISO 14001 depuis 1999 – « attache une grande importance au respect de l’environnement… » (l’entreprise « est engagée dans une politique environnementale volontariste et ambitieuse ») [3] il n’y a sûrement pas de raison de s’inquiéter.

Le journal local le Républicain Lorrain n’est pas inquiet ! Dans sa rubrique économie (Batilly) du 02 octobre 2010 on a pu lire :

« Sovab : le challenge sécurité relevé. Avec zéro accident, aucun incendie et aucune pollution, l’usine batilloise Sovab est au top question sécurité. » [4]

Deux mois plus tard (en décembre 2010), dans Le Républicain Lorrain encore, malgré une importante fuite (800 litres) de solvant à l’usine Sovab on a claironné qu’« Aucune pollution n’(était) à déplorer. » [5]

Ce n’est pas vraiment le top du top au niveau de la sécurité à l’usine, non plus. En été 2019, un incendie dans une cabine de peinture a fait un blessé grave. Pour relativiser, le journal a ajouté que « Le bâtiment touché est d’une petite surface, mais avec la présence des peintures et solvants, des mesures de sécurité précises ont dû être prises. » [6]

L’ouvrier décède le mois suivant. [7]

Cependant, dans la même conclusion de son étude (p. 61), Claire Aubert dit qu’ :

« aux vues des différences significatives entre les substances théoriquement émises par le site et celles effectivement émises sur la dizaines de cheminées prélevées, on peut s’interroger quant à la justesse des concentrations retenues pour l’étude et par là, la validité des résultats. »

Dans l’Annexe X, elle liste ces substances. D’après ces informations, certaines seraient irritantes, cancérogènes (possibles ou certains), d’autres provoqueraient des troubles neurologiques, cardiovasculaires ou hématologiques, des effets hépatiques et au moins une aurait des effets sur le développement embryonnaire. Il y a des xylènes, de l’éthylbenzène, des triméthylbenzènes, du formaldéhyde, benzène, dioxane, dichlorométhane, butoxyl (méthoxybutyl acétate), de l’éthanol, du métacrylate de méthyle, de l’héxane et du phénol.

Renault, demande Aubert (p. 61) « saura-t-il pour ses sites industriels futurs, en Inde ou au Maroc par exemple prendre en compte, dès la conception de l’usine, la nuisance olfactive ? » Peut-être les quelques 8681 habitant.e.s des communes de Batilly (incluant Beau Séjour et Le Paradis) et ses environs – St Ail, Ste-Marie-aux-Chênes, St Privat-la-Montagne et Roncourt – aimeraient avoir la réponse à cette question aussi !

Après tout, Renault soutient le Pacte Mondial qui « élargit également sa responsabilité et de ce fait, celle de l’usine Renault de Batilly, à l’égard des populations et des territoires sur lesquels elle est implantée. » [8] Pour Aubert « la présente étude demeure une évaluation préliminaire de la situation. » Qu’a fait Renault depuis 2008 ?

Il a un début de réponse dans l’article de Reporterre du 12 novembre 2023 [9] et sa suite.

Dans la vraie vie, un peu de pollution ne doit pas nuire à l’activité économique, il faut savoir faire des choix ! Qu’est-ce qui importe le plus ? Comme a dit Bill Clinton (l’ex-président des États-Unis) en 1992 « C’est l’économie, idiot ! »

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