À poil !



« Question : Fillon, Le Pen ou, avant, Cahuzac… Le système politique français est-il plus corrompu qu’ailleurs ?
Réponse de René Dosière : Absolument pas.

Cela fait près de quarante ans que je fais de la politique et jamais la transparence n’a été aussi grande. La corruption des hommes et des femmes politiques également n’a jamais été aussi faible.
L’opinion pense autrement…
L’impact des réseaux sociaux amplifie le moindre dysfonctionnement. Ensuite, l’appareillage législatif – déclaration de patrimoine, budget de l’Assemblée nationale… – dont s’est dotée la France depuis les années 1990 fait que, même marginal, tout acte ou soupçon de malversation perpétré par le personnel politique est mis sur la scène publique. »

(Le Parisien, 6 mars 2017.)

René Dosière, politicien professionnel depuis 40 ans, dont 25 passés notamment à l’Assemblée nationale, est connu pour un marronnier législatif : la transparence du financement de la vie politique. Cela le met avantageusement et régulièrement sous les feux de l’actualité pour venir ahaner que ça va mieux, que, désormais, tout est clair et limpide, que plus jamais ça n’arrivera, que maintenant, la politique est propre, devant comme derrière. Hum…

La politique de transparence sur le budget de l’Élysée n’a pu empêcher que François Hollande paie son capilliculteur 10 000 euros net par mois, allant même jusqu’à expliquer qu’on ne pouvait lui en faire grief dans la mesure où, par ailleurs, il avait d’entrée de jeu diminué ses émoluments de 30% en 2012. Qu’un coiffeur gagne autant qu’un chirurgien débutant n’est pas pour me gêner puisque, après tout, le second tue plus de gens.

Dosière a beau jeu de mettre en avant le principe de liberté des partis, garanti par la Constitution. La publication des budgets, recettes et dépenses, des partis politiques serait certainement très instructive sur l’activité réelle de ces officines. Les partis politiques servent principalement à désigner les candidat-e-s aux élections, c’est leur côté écurie de course – il y en a qui aiment se parfumer à l’odeur du crottin. Dans cette sélection impitoyable, qui fonctionne selon des ressorts mafieux, il faut faire allégeance au pape qui vous fera abbé. Lors de leur formation, les candidat-e-s aspirant à faire partie de l’élite dirigeante doivent donner des gages et ne pas trop manifester leur intention de mettre les pieds dans le plat, de dénoncer l’incurie et les goûts dispendieux du pouvoir, où qu’il se trouve. Favoriser l’entre-soi parmi les gens de bon aloi permet d’éviter qu’un-e énergumène ne vienne renverser la table de marbre sur les pieds de la prévarication.

Ainsi, par cette délicate mais efficace sélection, la bourgeoisie maintient ses prébendes sur l’État tout entier. Parfois même, on pourrait penser qu’elle en est la propriétaire et non l’usufruitière.

Il faut quelques idiots comme Dosière pour amuser la galerie par sa politique de petits pas sur la transparence de la vie politique. L’eau du bain est encore bien trouble. Les requins de la politique y pratiquent leurs ablutions. Les déclarations de patrimoine, que tout parlementaire doit rédiger lors de son entrée de mandat, restent pour le moins évasives. Durant la législature, rien ne vient mettre en lumière la façon dont l’élu-e tire partie de l’argent mis à sa disposition, au prétexte de garantir son indépendance… S’agissant d’affaires publiques, cultiver le goût du secret ne peut que renforcer les soupçons. La classe des bourgeois, qui s’est construite sur la cupidité aux dépens du reste du monde, n’hésitera pas à fustiger le curieux, a fortiori s’il s’agit d’un journaleux, qui serait intéressé par ses manigances.

Ainsi, quand les coutumes du Parlement s’en viennent à être exposées dans la presse – régime de retraite plus que généreux, indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) sans justificatifs, emplois familiaux fictifs ou pas, coiffeur moins cher que dans le quartier, etc. –, c’est le branle-bas de combat. Untel fait mine de découvrir la situation et s’en dit scandalisé, une autre pointera que la situation s’est beaucoup améliorée, mais sans entrer dans les détails, un troisième mettra en cause la signature d’agitateurs dans la presse politique ou les réseaux sociaux complotistes, enfin, tou-te-s vous mettront en garde contre l’antiparlementarisme et ses risques, oubliant leur propre participation au phénomène. L’expression « pompiers pyromanes » a été inventée à leur intention.

Par commodité, nous appellerons ce système de défense un cache-sexe. Si les élu-e-s de la République avaient voulu régler les questions touchant à leur activité, à leurs conditions de travail en tant que rédacteurs/rédactrices de la loi, à leur statut personnel, leur rémunération, leur retraite et leurs billets de TGV, tout en conservant une indépendance impeccable face à la curée des margoulins attirés par la cagnotte, nous n’en serions pas là. Inversement, la présente situation illustre une paresse crasse à faire évoluer quoi que ce soit des avantages que la bourgeoisie accepte d’octroyer à celles/ceux qui la servent et la représentent dans les palais dorés de la République.

Fillon a été mortellement vexé que ses turpitudes soient éventées par la presse, d’autant plus qu’il ne donne que des pièces rouges à la quête. D’où l’usage éhonté et outrancier qu’il a fait de métaphores tragiques, dans lesquelles, à Dieu ne plaise, d’aucuns l’assassinaient, violaient la démocratie et poussaient son épouse au suicide. La maladie du pouvoir produit des symptômes coquelins ridicules. Qu’il ait oublié de mentionner un prêt de 50 000 euros que lui avait accordé en 2013 le propriétaire de La Revue des Deux Mondes, son ami, Marc Ladreit de Lacharrière, est tout à fait fortuit ; on peut même affirmer que cela n’a rien à voir avec le fait que le premier, quand il était Premier ministre, ait honoré le second du grade de grand-croix de la Légion d’horreur, en 2010. Ils partageaient sans doute plus qu’une employée cossarde… « Chaque jour, on descend un peu plus bas dans l’intrusion de ma vie privée », a regretté Fillon, sur Europe 1, le 13 mars. Une vie pas privée d’intérêt pour tout ce qui sonne, au risque de trébucher.

Par ailleurs, il est même des politiciens qui revendiquent la situation opaque présente. Pour Jacques Myard, député des Yvelines, « le député doit être libre de dépenser son IRFM comme il l’entend, sinon c’est le strip-tease permanent et la terreur des médiatiques. Il n’y a que le peuple à juger. Merci ! », cela dit en tournant les talons. La journaliste le suit et insiste : « Le peuple ne peut pas juger puisqu’il n’a pas accès à ces dépenses. » De loin, rouge de fureur, le député lui répond : « Il n’a pas à avoir accès ! » C’est dit. Cet « élu du peuple » de Maisons-Laffitte a paraphé sa déclaration d’intérêts et d’activités au titre d’un mandat parlementaire, remise le 24 janvier 2014 à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique [1] d’un « À bas l’Inquisition ! » du plus bel effet. M’est avis que ce n’est pas pour défendre la cause des Indiens d’Amérique…

Quand, en février 2017, le journal Le Monde interroge les député-e-s sur les éventuels liens familiaux au sein de leurs employé-e-s, près de la moitié de celles/ceux qui avaient voté la loi sur la transparence de la vie publique (138 sur 291) n’ont pas répondu au questionnaire !

Pourtant, il serait aisé de régler cette situation : rendre imposable les indemnités de mandat, exiger des justificatifs de dépenses de l’IRFM, interdire les emplois familiaux et faire en sorte que les député-e-s, sénatrices/sénateurs et leurs attaché-e-s parlementaires soient occupé-e-s à temps plein et exclusivement par leur fonction.

La proposition vestimentaire suivante pourrait paraître égrillarde. Que nenni ! C’est mal connaître ma très grande pruderie. Mon intention se situe aux antipodes de toute grivoiserie. Quoi qu’il en soit, il me semble que les parlementaires devraient aller nu-e-s dans les rues de nos villes et dans les vertes campagnes, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il pleuve, revêtu-e-s de probité candide et sans lin blanc, dans le plus simple appareil, tel-le-s que l’évolution les a produit-e-s, figurant leur humanité première, avec leurs bourrelets et leurs tatouages, les cicatrices de coups de poignard dans le dos, les peaux tannées, percées, caressées dans le sens de leurs productions folliculaires, les ventres mous et les fiers athlètes du cumul de mandats, sans costard à 49 000 boules, bref, à poil ! Ainsi, nulle volonté de ma part d’exciter les instincts libidineux en exposant ces corps adipeux qui ont beaucoup plus souffert des dîners chez Taillevent que des moelleuses banquettes du Parlement – la plupart des politiciens sont de vieux messieurs peu susceptibles de déclencher des montées d’hormone. Je pense aux naga baba sādhu, ces saints hommes d’une secte hindoue shivaïte, qui vont ainsi, dans le dénuement le plus total, ayant renoncé à tout pour mieux se libérer de l’illusion. C’est ainsi que je verrais la politique et ceux/celles qui la servent. Quant à leur rétribution, elle ne saurait dépasser le salaire moyen versé dans ce pays.

Piéro

Article paru dans RésisteR ! #48, le 18 mars 2017.