Dans ce contexte de diffusion massive des armes en Ukraine, et d’annonces de relance du nucléaire en France (avec des technologies issues du nucléaire militaire telles que les SMR ou les EPR), on propose de réfléchir ensemble à ce qu’est le nucléaire militaire en France. En effet, de quoi parle-t-on vraiment lorsque l’on parle de nucléaire militaire ? Au-delà de l’image de la bombe atomique et de son effet "dissuasif", en creusant un peu (beaucoup), on découvre une utilisation de l’arme atomique effective (qui n’est pas du tout dissuasive mais offensive) ainsi qu’un maillage industriel et technologique développé au service des intérêts impérialistes et capitalistes de la France. Si le sujet intéresse, on propose de discuter et de s’informer sur le nucléaire militaire dès le vendredi 8 juillet prochain, à 16h à la Maison de Résistance à la Poubelle Nucléaire de Bure.
D’abord, quelques infos contextuelles sur le nucléaire militaire…
Dans La France et la prolifération nucléaire, publié par Bruno Barillot de l’Observatoire des armements (Lyon) en 2001, on se rend compte de toute cette industrie à travers l’exemple des sous-marins, des missiles MSBS (mer-sol balistiques stratégiques) et des têtes nucléaires de missiles, par exemple, et de tous les ports, entrepôts, écoles et bureaux qui contribuent à l’armement nucléaire et à sa prolifération (Cherbourg, Toulouse, Saint-Tropez, Brest, Toulon, Valduc,..) ainsi que la quantité d’entreprises et d’institutions impliquées (CEA, EADS, Snecma, Dassault Electronique, Sagem, Thalès, Thomson-Sintra, Crouzet, Air Equipement, Saft,..).
Si le nucléaire dit « civil » baigne dans la culture du secret comme un poisson dans l’eau, c’est qu’il provient du nucléaire militaire et qu’il n’a jamais cessé d’y retourner. Longtemps présentées comme deux choses tout à fait distinctes, ce sont en réalité les deux pans d’une même ambition. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs reconnu fin 2020 avec une franchise inédite : « Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil ». Pour perdurer, le nucléaire militaire s’appuie en effet sur toute la filière civile. De l’extraction de l’uranium à la technologie des réacteurs, des transports radioactifs à la gestion des déchets en passant par la formation universitaire et la recherche scientifique, ces compétences servent autant aux sous-marins, aux porte-avions à propulsion nucléaire et aux ogives qu’à éclairer les salles de bains. L’armée n’a donc plus besoin de superviser toutes ces activités et peut maintenir à moindre coût son arsenal nucléaire. [1]
Rappelons-nous le projet Manhattan qui a utilisé les drames d’Hiroshima et Nagasaki pour démontrer la puissance de l’énergie atomique [2], les essais nucléaires réalisés par la France en Algérie de 1959 à 1966 [3], en Polynésie de 1966 à 1996 [4], l’envoi de munitions d’uranium lancées par l’OTAN comme projectiles en ex-Yougoslavie en 1999, ou encore des obus flèches à uranium appauvri envoyés par l’armée française au Mali en 2013 [5]. Encore dernièrement, comme les autres États détenant l’arme atomique, la France n’a pas ratifié le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) porté par l’ONU (impliquant destruction des stocks et engagement à rester exempts d’armes nucléaires), face à 122 États ayant voté en faveur de l’adoption du TIAN et à 37 États préparant leur procédure de ratification. [6]
En bref, y a de quoi dire sur le sujet du nucléaire militaire… Pour commencer à débroussailler tout ça, on propose l’écoute collective de "Saupoudrés", un podcast de 1h réalisé par Léa Promaja en 2018 sur les bombardements à l’uranium appauvri en 1999 au Kosovo par l’OTAN, et leurs répercussions sur la population. Ça se passe à la Maison de Résistance (Bure) le vendredi 8 juillet, à 16h ! Ce sera suivi d’une discussion. Au niveau du format, l’idée est de partir sur quelque chose proche de l’autoformation (sans spécialiste, mais en apprenant ensemble avec les ressources disponibles). Du coup, si tu as d’autres ressources sur le nucléaire militaire à partager, n’hésite pas à les apporter. Et si le format et le sujet intéressent, on pourra réitérer ce type d’autoformation sur le nucléaire militaire.
Lien vers le podcast : https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/saupoudres-25542198.html
Et le descriptif du podcast :
Qui consulte les gens en termes dʹarmement ? Personne. Ni dans les pays fabricants, ni dans les pays "saupoudrés" de diverses substances. La Russie aurait jeté du napalm en Syrie (Médiapart/printemps 2018). Quelles autres substances sont été utilisées sur les zones actuellement en guerre ? En 2017, lʹarmée américaine a admis, après de nombreux dénis, quʹelle a bombardé des camions-citernes à lʹuranium appauvri en Syrie sous Obama en 2015.
Saupoudrés est un documentaire qui revient sur cette question mais au Kosovo et ses alentours, avec presque 20 ans de recul. Comme en Irak pendant la guerre, de lʹuranium appauvri a aussi été utilisé en 1999 durant les bombardements de lʹOTAN. Que dit-on sur ces bombes parmi les habitants ? Quʹen est-il de la santé de la population ? Saupoudrés raconte quelques rencontres de personnes à Prizren, une ville de 250 000 habitants du Sud du Kosovo, où Léa Promaja a séjourné régulièrement depuis 2009. La suite de ce documentaire est en cours de réalisation. Il se passera à Vranje, en Serbie, de lʹautre côté de la frontière kosovare. Les habitants ont été bombardés par les mêmes bombes, mais lʹont vécu bien différemment.
« Cʹest lʹhistoire dʹun déni. Ou de plusieurs dénis. LʹOTAN a bombardé lʹex-Yougoslavie à lʹuranium appauvri et semble lʹavoir oublié. Les Kosovars albanais du Kosovo furent bombardés à lʹuranium appauvri mais retiennent avant tout cette libération de lʹoppression dʹalors du pouvoir de Slobodan Milosević. A côtoyer cette réalité, jʹai à mon tour eu du mal à admettre, accepter dʹentendre que les albanais du Kosovo se sont avant tout senties libérés. »
— Léa Promaja
Compléments d'info à l'article