Lymée



Un matin de septembre 2017, 8 h 30, j’émerge péniblement d’un sommeil comateux. J’avale mes trente cachets du matin et me prépare pour la perfusion quotidienne de Rocéphine, deux grammes tous les matins en intraveineuse. J’ai un cathéter dans le cœur pour me soigner : ce sont ces perfusions et les deux autres antibiotiques que je prends par voie orale tous les jours qui me maintiennent dans un état physique à peu près acceptable.

À midi et le soir, j’ai moins de cachets, mais en tout cinquante par jour, surtout des molécules contre les effets secondaires des antibiotiques que je prends, qui peuvent détruire mon foie et mes reins, à ces doses et pendant des semaines et des semaines.

L’infirmière arrive, branche ma perfusion, et repasse une demi-heure plus tard pour me débrancher. Je sombre dans un état comateux pendant deux ou trois heures tellement ce traitement est fort. Je suis sous trithérapie antibiotique, c’est ma seule chance de m’en sortir vivante et sans séquelles. Les douleurs sont là presque tout le temps, dans les genoux, les coudes, les chevilles, je ne peux plus plier mon genou droit. Les douleurs se promènent d’une articulation à l’autre, comme des coups d’aiguilles ou d’électricité, c’est souvent à la limite du supportable, à hurler, à pleurer de douleur. J’ai aussi l’impression d’avoir des bêtes ou des vers qui grouillent sous la peau, des démangeaisons qui me brûlent ou me glacent et se déplacent dans mon corps. Ce sont des douleurs neurologiques, que l’on a quand on a une neuroborréliose, la forme neurologique de la maladie de Lyme, la plus grave, qui peut tuer par méningite ou encéphalite. Ces douleurs se propagent le long de mes nerfs, en même temps que les borrélias (les bactéries responsables de la maladie de Lyme).

J’ai du mal à marcher, mais je ne me plains pas, j’y arrive encore, je ne suis pas en fauteuil roulant. Par contre, ma tête, ma pauvre tête… J’ai 48 ans et tous mes souvenirs s’en vont. Je dois réfléchir pour trouver le mot poubelle, je dis un mot pour un autre – un de mes lapsus les plus drôles est d’avoir parlé de « tire-couilles » au lieu de « tire-tiques ». Mon mari m’a demandé de ne plus faire la cuisine après une infâme soupe où j’avais remplacé un navet par un gros radis rose, c’était infect !

Je vis dans un brouillard mental extrêmement pénible, je dois réfléchir pour savoir quel jour on est, j’ai mis trois heures pour faire un tableau avec tous les cachets que je dois prendre tous les jours, je suis incapable de faire mes comptes ou de lire, moi qui étais une lectrice boulimique avant de tomber malade. Je n’arrive même pas à lire des bandes dessinées, c’est dire…

Moi qui avais une mémoire d’éléphant, j’oublie tout, je dois tout noter, j’ai l’impression de vivre un cauchemar, car je suis parfaitement lucide psychologiquement sur le triste état de mon cerveau et cela m’angoisse terriblement. Voilà, 48 ans et alzheimémère !

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C’est quoi ma vie ? Je dors au moins 14 heures par jour. Je ne sais pas si c’est ma maladie ou les effets secondaires de tous les cachets que je prends et surtout des intraveineuses. J’écoute beaucoup de musique, je dors, mes chats me tiennent compagnie pendant que mon mari travaille, car je suis seule dans la journée.

Au bout de trois semaines de trithérapie, la douleur est divisée par deux, je commence un peu à sortir, à marcher, mais au bout de cent ou deux cents mètres, je suis obligée de m’asseoir ou me coucher sur un banc étant donné ma faiblesse physique. Petit à petit, j’arrive à faire trois, quatre cents mètres, jusqu’à cinq cents mètres sans m’asseoir pour me reposer.

Je commence par lire des bandes dessinées, et peu à peu, en quelques semaines, j’émerge de mon brouillard mental et je me remets à lire, d’abord des romans, puis, quand ma tête va mieux, mon premier réflexe, comme je suis biologiste de formation, est d’acheter les meilleurs livres sur ma maladie : La vérité sur la maladie de Lyme, du professeur Christian Perronne (le seul infectiologue hospitalo-universitaire qui nous soigne en France), et puis Soigner Lyme et les maladies chroniques inexpliquées, du médecin interniste américain Richard Horowitz, un des meilleurs au monde. Je vais dévorer ces livres et les relire deux fois chacun.

Au bout de deux mois de perfusions quotidiennes, je dors toujours énormément, je ressens une fatigue abyssale, mais, ô joie !, ma tête recommence à fonctionner normalement et je me souviens de tout, comment tout cela a commencé…

J’ai des douleurs articulaires un peu partout depuis douze ou treize ans. Je croyais que c’était de l’arthrose, mais enfin l’arthrose à trente-six ans, au point où l’on a mal aux genoux pour se relever quand on est accroupie, cela ne doit pas être très fréquent. Et puis j’ai aussi eu des entorses à répétition, deux fois de gros problèmes d’épaule avec soi-disant une inflammation du ligament sous-tendineux… J’étais aussi très souvent fatiguée, mais je pensais que c’était psychosomatique. J’attrapais toujours une multitude d’infections ORL, otites, angines, rhino-pharyngites, bronchites. Chaque fois que mon mari ou mon fils avaient un petit rhume de quarante-huit heures, moi je faisais une surinfection et j’étais malade une semaine. Mais j’ai continué à vivre et à travailler tant bien que mal, et parfois plutôt mal que bien, c’était « Marche ou crève » ! J’ai travaillé jusqu’à la dernière limite. En avril 2017, j’ai dû me faire repiquer au pied droit pas une larve de tique (trop petite pour que l’on puisse la voir sans une forte loupe). Je ne me suis aperçue de rien sur le moment, mais j’ai développé des plaques rouges et brûlantes très douloureuses sur tout le pied, j’ai cru que c’était du psoriasis. C’était un érythème migrant qui est resté bien trois semaines. En mai, j’ai commencé à avoir d’étranges trous de mémoire, je n’ai rien dit à personne. J’ai continué à travailler jusqu’à fin juillet 2017, dans un état de fatigue empirant au fil du temps. Je savais que j’étais malade et que cela devait être assez grave étant donné mon état d’épuisement. Et puis le 25 août, j’ai été prise d’une fièvre brûlante et je n’ai plus eu la force de me lever. Les douleurs articulaires ont augmenté aussi. Je tremblais et claquais des dents comme au cours d’une crise de paludisme.

Début septembre 2017, je me suis enfin décidée à aller consulter mon généraliste. Qui ne m’a rien trouvé du tout… Forte fièvre, fatigue ? Peut-être une infection urinaire ? Les résultats d’analyse sont revenus, je n’avais rien, rien du tout. Mais les douleurs articulaires, la fatigue et la fièvre ne passaient pas. Mon médecin m’a mise en arrêt quelques jours.

Et puis j’ai commencé à réfléchir, à penser à toutes les randonnées en forêt avec mon mari quand nous vivions en Argonne, il y a vingt-deux ans (une zone forestière très humide à la limite entre la Marne et la Meuse), et nous revenions à chaque fois avec au moins une dizaine de tiques sur la peau (mon record personnel étant de quinze ou vingt). J’ai repensé aussi à toutes nos activités naturalistes, affût castor, blaireaux, hibou grand-duc… Nous passons l’essentiel de nos loisirs au grand air, derrière une paire de jumelles ou une longue-vue, pour observer les oiseaux ou les mammifères. Les gens comme nous font partie de la population à risque pour la maladie de Lyme, ainsi que les forestiers ou les agriculteurs. Il y a vingt ans, les médecins recommandaient d’endormir les tiques à l’éther, avant de les enlever à la main ou avec une pince à épiler. Hélas, c’est le meilleur moyen d’être contaminé, car en présence d’éther, les tiques régurgitent le sang contaminé plein de borrélias récoltés sur un autre animal hôte dans notre système sanguin. Après contamination, il y a un érythème migrant caractérisé qui n’apparaît qu’une fois sur deux. J’ai été piquée des dizaines et des dizaines de fois sans jamais avoir un érythème migrant, sauf en avril 2017, ce n’était pas un psoriasis. Et quand je suis revenue voir mon médecin, après une semaine d’arrêt de travail, je lui ai demandé une ordonnance pour un test Elisa et un Western Blot. Il s’agit d’une simple prise de sang. Ces tests ne sont fiables qu’à 50%, d’après le professeur Perronne. Pour plusieurs raisons, la première est que chez un malade contaminé depuis longtemps, les taux d’anticorps antiborrélias sont si bas dans le sang qu’il est difficile de les détecter. La deuxième est que la France a mis très longtemps à faire des tests sanguins à peu près fiables pour la maladie de Lyme, prétendument pour éviter un affolement de la population par rapport à cette pathologie. Pendant des années, les seuls tests sanguins fiables pour détecter la borréliose étaient faits à Strasbourg, dans le laboratoire de la biologiste Viviane Schaller, sinon, il fallait envoyer son sang en Allemagne (à ses propres frais, bien sûr, et sans remboursement). La troisième raison est que les tests français sont calibrés pour que seulement 5% de la population contaminée soit reconnue malade et surtout pas davantage. Et la dernière raison et la moins avouable, c’est que les lymés (les malades qui ont une borréliose) rapportent énormément d’argent aux laboratoires pharmaceutiques. Nous sommes une mine d’or pour eux car nous consommons énormément de psychotropes (la maladie de Lyme peut avoir de très nombreuses complications psychiatriques, menant même à des internements abusifs) et d’antidouleur, notamment des dérivés morphiniques. À partir d’un certain stade de la maladie, la morphine ne calme plus les douleurs, même en augmentant de plus en plus les doses. Un certain nombre de lymés sont même devenus toxicomanes, sans que leurs souffrances physiques soient calmées. La morphine ne guérit rien, seuls les antibiotiques à long terme et à forte dose calment la douleur.

Il faut dix jours pour avoir les résultats d’un Western Blot. Quand le résultat du test est enfin arrivé, d’après la médecine traditionnelle française, je n’étais pas malade, le test était négatif car mes taux d’anticorps étaient trop bas. Alors pourquoi mon sang contenait-il les cinq souches d’anticorps antiborrélias que l’on détecte en France ? Sur un plan biologique, cela voulait dire que mon corps avait été en contact avec les cinq, ce qui signifiait que je pouvais avoir potentiellement toutes les complications possibles et imaginables : articulaires, neurologiques, cutanées et cardiaques. À titre de comparaison, en Allemagne, les tests sanguins détectent 9 souches d’anticorps antiborrélias – il en existe environ quatre-vingt dans le monde ! La borréliose est une maladie étrange. Pour presque toutes les maladies, plus les taux d’anticorps sont élevés plus le patient est malade… Pour Lyme, c’est l’inverse, quand les taux d’anticorps sont très bas, c’est que le patient est à un stade très avancé de la maladie et que le corps n’arrive plus à lutter contre l’infection. Il est possible d’être porteur sain longtemps sans déclencher la maladie. Le jour où le corps n’a plus la force de résister aux borrélias, la maladie se déclenche.

Les borrélias sont de bactéries spirochètes qui vivent sous trois formes différentes : la forme spiralée, qui vit dans les fluides corporels (sang, lymphe, mais surtout liquide céphalorachidien et liquide synovial dans les articulations), la forme intracellulaire, qui vit à l’intérieur des cellules de tous les tissus du corps, et la forme kystique [1], qui est extrêmement résistante et difficile à détruire. Voilà pourquoi la borréliose se soigne par trithérapie, chaque antibiotique détruisant une des formes de ces sales bêtes. Les borrélias forment aussi des biofilms [2] sur la paroi des vaisseaux sanguins et peuvent ainsi parfois provoquer des ruptures d’anévrisme, car sur le long terme, ils finissent par attaquer la paroi des artères et des veines. Les lymés peuvent aussi mourir de problèmes cardiaques ou d’une méningite ou d’une encéphalite avec la neuroborréliose. Mais le plus souvent, Lyme tue par désespoir, car avec une maladie qui n’existe pas et qui n’est pas reconnue en France, les lymés n’ont pas droit au congé longue maladie ou à l’affection de longue durée. Dans le secteur privé, les gens sont licenciés et n’ont plus de travail puisque leur maladie est imaginaire. Ils n’ont plus de couverture sociale ou en ont une très mauvaise. Plus de revenus. Alors les malades auxquels les médecins disent qu’ils sont hypocondriaques et que leurs souffrances sont imaginaires, choisissent la porte de sortie et se suicident. De toute façon, tous les lymés pensent au suicide un jour ou l’autre parce qu’ils n’en peuvent plus de leurs douleurs physiques et psychiques. Nous sommes tous passés par là un jour ou l’autre.

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Quand j’ai reçu les résultats de mon Western Blot, j’ai tout de suite compris que j’étais gravement malade, même si mon médecin généraliste était sceptique. Il m’a quand même fait une ordonnance pour un mois de Rocéphine en intramusculaire (c’est le traitement antibiotique que l’on donne traditionnellement après un érythème migrant pour empêcher le développement de la maladie).

Pour me soigner, j’ai trouvé sur Internet une des meilleurs médecins spécialistes de Lyme du Grand-Est, près de Strasbourg. Mon mari se demandait si c’était vraiment nécessaire d’aller la voir. Eh bien oui et pas qu’un peu !

Nous sommes allés la voir le 12 septembre 2017. La consultation a duré un peu plus d’une heure. Nous sommes ressortis complètement sonnés, mon mari et moi. J’avais une neuroborréliose, il fallait me poser un PICCL-line (cathéter central à insertion périphérique, il rentre dans le haut du bras par une veine et aboutit directement dans le cœur) le plus vite possible, pour démarrer la trithérapie et les intraveineuses de Rocéphine. Le cathéter a été posé 48 heures plus tard… Je n’avais pas qu’une neuroborréliose, mais aussi une babésiose que l’on appelle parfois le « paludisme européen ». C’est la co-infection la plus courante avec Lyme (il en existe des nombreuses et variées). Les babesias sont des parasites unicellulaires qui vivent dans les globules rouges, comme les plasmodiums du paludisme, dont les symptômes sont des tremblements, une forte fièvre et beaucoup de transpiration. La babésiose aggrave les symptômes de Lyme et se soigne par antipaludéens, éventuellement phytothérapiques. Il faut dire qu’avec tous les médicaments que j’absorbais, 3 antibiotiques à dose massive, j’ai apprécié que ma médecin ne me rajoute pas un antipaludéen de synthèse étant donné les effets secondaires. Mon corps n’est plus, et depuis longtemps, de la viande biologique. Mais mon souhait étant qu’il reste à peu près en bon état, il ne fallait pas que la thérapie soit pire que le mal.

J’ai été en arrêt pendant quatre mois, de septembre à décembre 2017, bien incapable de travailler. J’ai cru que j’allais devenir folle entre mes quatre murs, et j’ai pu reprendre mon travail à mi-temps thérapeutique en janvier 2018. Les périodes de trithérapie après trois mois en continu se sont succédé par périodes de dix jours, avec vingt jours de pause entre, puis trente, quarante et cinquante jours de pause. Et maintenant, dix-huit mois après le début du traitement de ma maladie, je n’ai plus d’intraveineuses, les trithérapies sont terminées depuis peu, je n’ai plus que des cures de deux antibiotiques par voie orale. Je n’ai plus aucune douleur physique, plus aucun trou de mémoire et le seul symptôme qui me reste est une fatigue très importante. Je ne peux travailler qu’à mi-temps mais j’espère que dans quelques semaines ou mois, je passerai à soixante jours de pause entre mes cures d’antibiotiques et que je pourrai retravailler à temps plein avec un salaire complet. J’ai la chance d’être fonctionnaire titulaire, je n’ai pas perdu mon travail – dans le privé, j’aurais été licenciée depuis longtemps. J’ai aussi la chance d’avoir un mari et un fils, et tout un entourage familial ainsi que deux ou trois ami(e)s proches qui m’ont aidée et soutenue pendant ces traitements interminables. Et aussi et surtout, je gagne assez bien ma vie pour avoir les moyens de me soigner. Les lymés smicards ne peuvent pas se soigner, il faut compter au moins deux ou trois cents euros par mois non remboursés. Les pauvres peuvent crever, tout le monde s’en moque, c’est cela la médecine à deux vitesses. Heureusement pour moi que j’ai fait des études de biologie et que j’ai fait mon propre diagnostic, sinon, comme beaucoup de lymés, mon errance médicale aurait pu durer des années, avec divers diagnostics parfaitement erronés de type polyarthrites rhumatoïdes, sclérose en plaques (d’après le professeur Perronne, le quart des diagnostics de ces maladies auto-immunes sont entachés d’erreurs, il s’agit souvent de borrélioses) ou encore dépression, psychose grave. Je pense que j’ai été soignée juste à temps, à la dernière limite avant d’avoir des séquelles irréversibles ou de ne même plus être là pour en témoigner… Je reviens de loin, j’ai eu de la chance, mais tous les autres lymés qui n’ont pas été soignés et diagnostiqués à temps, ils souffrent en permanence, physiquement et psychologiquement, ils en bavent, ce n’est pas une vie, c’est de la survie. Et le pire, c’est que les rares médecins qui acceptent de nous soigner sont pourchassés par l’Ordre des médecins (rappelons quand même qu’il a été créé par Pétain), souvent suspendus plusieurs mois, soi-disant parce qu’ils prescrivent trop d’antibiotiques. Il est possible de se soigner par homéopathie et phytothérapie sur le long terme, mais c’est insuffisant : sans antibiotiques, il est impossible de neutraliser ses borrélias. Suspendre les rares médecins qui prennent le risque de nous soigner, c’est nous condamner à mort ou à des handicaps lourds. La plupart des médecins qui acceptent de nous soigner ont été malades eux-mêmes – ou l’un de leurs proches – et connaissent l’enfer de notre maladie.

Si l’Ordre des médecins cessait ces suspensions et interdictions d’exercer sous prétexte que « les antibiotiques ce n’est pas automatique » et que nous soigner entraînerait le développement des bactéries résistantes aux antibiotiques, beaucoup plus de médecins accepteraient de nous soigner.

Et comme Lyme est une pandémie qui s’étend, il serait temps de faire autre chose que de la prévention (même si c’est un progrès indéniable). Il faudrait que tous les malades aient accès aux soins, que l’on ne trouve certes pas dans les centres « spécialisés multidisciplinaires » Lyme des CHU – c’est même le dernier endroit où aller se faire soigner [3], sauf si l’on a envie d’entendre qu’on est hypocondriaque, que le Lyme chronique n’existe pas et que si l’on n’est pas guéri après un mois de perfusions de Rocéphine, on est fou à lier. Certains malades ont été internés en psychiatrie pour moins que cela et certains psychiatres se prétendant médecins leur ont dit que leurs souffrances étaient imaginaires.

Et alors, ce sont les lymés soignés qui développeraient la résistance aux antibiotiques ? Et l’élevage industriel, où les antibiotiques sont déversés en grandes quantités dans l’alimentation animale, pour limiter le stress lié aux conditions de vie concentrationnaires des animaux ? Quel effet cela a-t-il sur notre santé ? Et sur le développement des bactéries résistantes aux antibiotiques ?

En France, la recherche sur la borréliose n’existe pas. Nous avons bien trente ans de retard sur les USA, le Canada et même l’Allemagne, où cette maladie est reconnue, donne droit à un congé longue maladie, à des soins remboursés, et où elle est même considérée comme une maladie professionnelle pour les forestiers.

Je ne guérirai jamais vraiment, je sais que je mourrai un jour avec mes borrélias, car il est impossible de s’en débarrasser complètement. J’espère simplement qu’ils finiront par se tenir à carreau et ne plus me pourrir la vie, que nous arriverons eux et moi à vivre en bonne intelligence. Je n’ai presque plus de symptômes, à part une très grande fatigue, et je sais que quand je passerai à soixante jours de pause entre mes cures, j’approcherai de la « guérison ». Je devrais être « guérie » dans six mois ou un an. Ce qui veut dire que dans quelques mois, je n’aurai plus besoin d’antibiotiques, je pourrai être soignée seulement par phytothérapie et homéopathie et un régime alimentaire adapté. Mais ce sera à vie : je serai jusqu’à la fin de mes jours à la merci d’une rechute, que ce soit à la suite d’un stress important (ce qui altère les défenses immunitaires) ou si je me refais piquer par une tique infectée.

Mais si j’arrive un jour à retravailler à temps plein, à refaire du sport comme AVANT, mes quatre kilomètres hebdomadaires à la piscine, mes cinquante kilomètres à vélo, enfin si j’arrive à revivre normalement comme AVANT, alors je serai vraiment heureuse et je laisserai toute cette terrible souffrance physique et psychique derrière moi.

Une lymée en colère

NB : ce témoignage est dédié à la médecin qui m’a soignée avec tant d’humanité et d’empathie et qui m’a vraisemblablement sauvé la vie, ainsi qu’à mon mari et à mon fils, sans qui je n’aurais pas supporté cet enfer.

Article paru dans RésisteR ! #60 le 19 février 2019.


Notes

[1La paroi cellulaire des borrélias est alors protégée par un kyste.

[2Un biofilm est une communauté multicellulaire plus ou moins complexe de micro-organismes (bactéries, champignons, algues ou protozoaires), adhérant entre eux et à une surface grâce à la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice.