Janvier 2017 : Témoignage d’agression à Bure

Bure (55) |

Il y a 4 ans, en janvier 2017, la brochure Pour une fois j’ai dit non était publiée sur infokiosques.net.

« Dans cette brochure il est question de viol. Pas d’un viol dans une ruelle sombre, tard le soir, par un inconnu violent et déséquilibré. Non, il y est question d’un viol commis par un "camarade" sur un lieu de lutte. »

Ce lieu, on le comprend vite, c’est Bure.

Suite à cette publication, plusieurs personnes ont imprimé et diffusé ce texte à la Maison de résistance de Bure, tout en proposant de se réunir, une fois que tout le monde l’aurait lu, pour en discuter collectivement.

Au cours de cette discussion, le choix, politique, a été fait de dégager l’agresseur des espaces collectifs de Bure, afin de permettre à la personne agressée de continuer à y militer sans avoir à subir sa présence [1].

Le but était aussi d’affirmer clairement et politiquement que les agressions sexuelles n’ont pas leur place, ni dans les luttes, ni ailleurs.

Du fait qu’il s’agissait d’un homme très actif dans la lutte, porte-parole du mouvement à certains moments et présent dans beaucoup de commissions ou réunions, l’ensemble de ses mandats lui ont été retirés et interdiction lui a été faite de parler au nom du mouvement ou de le représenter d’une quelconque façon.

Par la suite, la brochure restera diffusée en version papier dans les espaces collectifs et elle sera aussi publiée sur le site internet du mouvement, vmc.camp.

(...) Ce qui est violent c’est le viol, ce qui est violent c’est que dans un milieu censé être safe, se revendiquant anti-sexiste, des camarades violent et agressent. (...)

Extrait de la brochure Pour une fois j’ai dit non

En lisant le fanzine sur la semaine antinucléaire d’octobre 2020 [2], on ne peut s’empêcher de penser que malgré #metoo, malgré les collages féministes et malgré la littérature féministe abondante et disponible depuis des années dans les espaces militants, certains n’ont toujours pas compris des notions aussi simples et essentielles que celle du consentement [3]. Sans doute les mêmes qui considèrent encore que le féminisme est une lutte secondaire...

Ça te concerne toujours. Ça nous concerne encore.

Une Bella

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Au départ, je souhaitais surtout écrire un témoignage, parce que lire d’autres écrits fait partie de ce qui m’a aidé à avancer. Lire que je n’étais pas seule à l’avoir vécu mais surtout ressenti, lire les mots d’autres pour pouvoir trouver les miens.

Témoigner aussi d’une situation qui n’est malheureusement pas unique. Parce que trop d’histoires ressemblent à la mienne mais qu’elles finissent souvent par s’évanouir dans les mémoires et ne restent que des histoires « individuelles ». Alors il était important pour moi de dire, en espérant que cela puisse aider d’autres personnes à ne pas se sentir seules, trouvent la force de réagir (au sens large, ça commence déjà par ne pas rester dans la culpabilisation et essayer d’en parler). J’ai aussi trouvé important d’ajouter quelques références théoriques pour aider à mieux comprendre certains mécanismes et ainsi peut-être donner des pistes aux survivant.e.s pour avancer et à leurs proches pour les soutenir.

Et puis, au fur et à mesure que je décrivais ma relation avec cet homme qui m’a violée, que j’y réfléchissais et en parlais, plein de liens se sont faits avec mon éducation, la société dans laquelle j’ai grandi, l’intégration de certaines normes en bref avec ce qu’on appelle la « culture du viol ». Ce ne sont pas « que » des situations individuelles, elles s’inscrivent dans un contexte social sexiste que je tenais donc à repréciser.

En tout cas, j’espère que par ce témoignage et ces réflexions j’ai réussi à transmettre un peu de cette force, cette conviction que ce n’est pas encore perdu, nous sommes nombreus.es, on ne pourra pas nous faire taire, nous ne sommes pas les coupables et nous méritons tou.te.s d’être respecté.e.s et considéré.e.s.


Notes

[1Dans ces affaires, il y a quasiment toujours exclusion, la question étant de savoir qui est exclu. La personne agressée désertera généralement les lieux dans lesquels elle risquerait de croiser l’agresseur ; ne pas exclure l’agresseur de ces espaces (à certains horaires, tout le temps...) ou ne pas prendre en compte la gestion des espaces, c’est, indirectement, choisir d’exclure la personne agressée.