Relents d’égouts #4



Rubrique consacrée à l’actualité des conspis, des confus et d’autres cons… faisant, directement ou indirectement, le jeu de l’extrême droite.

Quoi de plus sain que de dresser la critique des médias ? Depuis deux décennies, des auteurs et des journaux sérieusement marqués à gauche en ont fait un thème de prédilection, quand ce n’est pas l’objet unique de leur travail : Le Monde diplomatique, Le Plan B, Acrimed… Les relations financières et de connivence entre grands médias et grands groupes industriels sont de notoriété publique, l’affaire est documentée et peu de gens croient aujourd’hui encore sincèrement qu’une information est « vraie » ou « objective » parce qu’elle a été « vue à la télé » ou « imprimée dans le journal ». La plupart de celles et ceux qui viennent alimenter leur racisme à coups de faits divers présentés par Jean-Pierre Pernaut sur TF1 le font… parce qu’ils le veulent bien.

Reste qu’à côté de cette critique de gauche dont les origines remontent à celle de « la presse bourgeoise » par les militants socialistes au XIXe siècle, on voit également proliférer une critique très à droite, qui alimente directement la fachosphère. Prenant appui sur le relevé de relations bien réelles entre médias, grande industrie et pouvoir politique, les courants conspirationnistes tentent ainsi de convaincre que toute information publiée par les médias dominants serait a priori suspecte… pour mieux rabattre sur leurs propres réseaux d’« information », parfois baptisés de « réinformation » ou d’« information libre ». (Le lecteur intéressé trouvera une liste utile de sites conspirationnistes et confusionnistes ici.)

Ces courants ne vont pas se perdre dans une critique sociale et politique des médias comme celle qui peut être légitimement adressée à toutes ces chaînes qui alignent des éditorialistes ultralibéraux dès le petit-déjeuner… La subtilité et la critique sociale ne font généralement pas leurs affaires. Ces courants s’acharnent plutôt à dénoncer journalistes et médias dominants à coups d’insultes très marquées, comme « journalopes » et « merdias », dès qu’ils ne reprennent pas leur position géopolitique (soutien à Poutine, Bachar el-Assad…), ou encore leur vision de l’immigration ou de l’islam. Ils visent à faire accroire qu’une caste occulte tient les rênes du pouvoir, sans forcément expliciter laquelle (Juifs ? Francs-maçons ? Illuminati ?), et qu’il faut surtout rejeter en bloc toute information provenant de médias jugés trop proches du pouvoir.

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Beaucoup de grands médias ont réagi à cette montée du complotisme en dénonçant les « fake news » (fausses nouvelles) colportées par Internet et les réseaux sociaux… pour mieux réaffirmer leur position dominante, tandis que leur crédibilité est sérieusement entamée. Le Monde est allé jusqu’à promouvoir le Decodex, « un outil pour vous aider à vérifier les informations qui circulent sur Internet et dénicher les rumeurs, exagérations ou déformations »… Mais c’est tout de même compliqué d’être à la fois juge et partie et d’avoir l’autorité pour désigner les médias sérieux quand on prétend soi-même en être… Sans compter que tout cela a un air assez déprimant de second tour : n’aurions-nous pas d’autre choix pour nous informer que celui entre médias dominants libéraux macronistes et complo-fachosphère lepéniste ?

Il reste heureusement des médias, revues ou sites alternatifs émanant de syndicats, partis, associations, collectifs autogérés, dont l’orientation est suffisamment identifiable pour que l’on puisse les consulter sans risquer de tomber dans le grand n’importe quoi. Ces médias, revues et sites ne consacrent généralement pas toute leur énergie à dénoncer les médias dominants, ils se concentrent plutôt sur la production de leurs propres comptes rendus et analyses de l’actualité. Quant à prétendre à « l’objectivité », autant laisser cela à ceux qui croient représenter l’intérêt de toute la société. Pour nous autres qui constatons la division de la société en classes, le conflit des points de vue est à la mesure des oppositions d’intérêts. On ne voit pas pourquoi les médias dominants cesseraient de défendre l’ordre bourgeois, ni pourquoi les médias militants cesseraient de défendre les intérêts des dominé.e.s. Pas besoin de complot ici, la lutte des classes suffit !

Raph

Article paru dans RésisteR ! #50, le 8 juillet 2017

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