PAF l’UDAF !

Nancy (54) |

Dès son premier numéro, RésisteR ! s’est fait l’écho de la lutte au long cours que mènent les salarié.e.s de l’Union départementale des affaires familiales (UDAF) contre des méthodes de management qui font la part belle à la pression, à l’intimidation et à l’anti-syndicalisme primaire.

Au cœur de cette lutte, Corinne Fouache, déléguée syndicale SUD mène le combat depuis plus de vingt ans. C’est qu’à l’UDAF, comme partout, il faut augmenter les cadences, faire pression sur les salarié.e.s pour faire dégager les plus fragiles et les moins rentables.

Dans ce combat pour la dignité, Corinne vient de remporter une victoire majeure. Le 23 juin la chambre sociale n°2 de la cour d’appel de Nancy a condamné en dernière instance l’UDAF pour des faits de « discrimination fondée sur l’état de santé et les activités syndicales, harcèlement moral et exécution de mauvaise foi du contrat de travail », excusez du peu ! Une victoire, qui, si elle ne règle pas la situation des salariés au sein de l’UDAF, vient couronner sept ans de lutte acharnée dans les tribunaux mais aussi sept ans de solidarités et d’actions revendicatives des salarié.e.s. Comme elle l’a déjà fait dans les numéros 1, 7 et 15 de RésisteR !, Corinne accorde à son journal préféré une interview où elle nous dit toute sa joie et sa détermination.

R ! Tu viens de gagner en dernière instance contre ton employeur, l’UDAF, qui a été définitivement condamné pour, entre autres, harcèlement et discrimination, et en plus le tribunal a doublé les dommages et intérêts que ton employeur doit te verser. Ça fait du bien ?

Corinne : Ouiiiiii, un bien fou ! Mais pas qu’à moi. Ce qui me touche c’est que ça donne de l’énergie et de la confiance à beaucoup de monde ; aux collègues bien sûr, mais aussi aux camarades du syndicat et à tous ceux qui m’ont soutenue depuis sept ans.

R ! Revenons au départ de cette affaire. En 2010, tu travailles à l’UDAF depuis 14 ans comme chargée de tutelle, qu’est-ce qui s’est passé ?

Corinne : En 2009, je suis revenue d’un congé sabbatique d’un an et la toute nouvelle direction qui connaissait mon passé de syndicaliste a tout fait pour démanteler mon poste de travail, elle a commencé par augmenter mon nombre de dossier de 20%, ça voulait dire concrètement suivre à moi seule 42 personnes en difficulté, c’est de la folie.

R ! Il s’agissait de te faire craquer, toi, mais aussi d’autres ?

Corinne : Bien sûr, le fait que j’étais déléguée syndicale et très active et qu’avec quelques collègues, notamment ma collègue de FO, on ait réinvesti les instances représentatives du personnel a énervé la nouvelle direction. Il faut dire que depuis 2009, on a un nouveau directeur, qui a mis en place de véritables méthodes policières. C’est incroyable : la première fois qu’on l’a vu en réunion, il a déclaré à l’ensemble du personnel qu’on devait « débadger avant d’aller pisser ! » et « qu’il n’avait pas à gérer nos problèmes de prostate ». On a éclaté de rire, on croyait que c’était une blague… Mais non ! C’est le management moderne à l’UDAF et sûrement dans plein d’autres endroits. Tout de suite après, les licenciements et les départs ont commencé. Une quinzaine de collègues sont parti.e.s, une moitié de leur propre chef pour fuir une ambiance de travail insupportable, et une moitié licencié.e.s pour des motifs parfois dérisoires, qualifiés de « faute grave ». Toutes celles qui ont attaqué leur licenciement au tribunal ont eu gain de cause, mais la plupart n’ont pas souhaité retourner dans cet enfer. Moi j’ai contesté, j’ai gagné et j’ai été réintégrée.

R ! Comment s’est organisée la résistance ?

Corinne : on s’est appuyées en intersyndicale SUD – FO sur les instances représentatives : comité d’entreprise (CE) et comité hygiène et sécurité (CHS). On a aussi fait appel à l’inspection du travail.
La dernière inspection de Martine Boubagra, inspectrice du travail et militante syndicale bien connue, avant son départ en retraite, a été pour nous. Nous avons fait reconnaître la situation par les instances légales. Mais on a aussi fait appel à des soutiens extérieurs. On a fait des manifs devant l’UDAF avec les collègues, on a chanté, pique-niqué ! On a été très soutenues par Solidaires, nos copains et copines de SUD ARS, par l’union locale CGT de Nancy, par des militants de partis politiques très à gauche, par la chorale des Sans Nom, et par plein d’autres.

R ! Et par RésisteR ! Mais ça fait beaucoup de gauchistes, tout ça. On pense souvent qu’être soutenu par des militants révolutionnaires ou anarcho-syndicalistes, c’est contre-productif, que ça effraie la justice, la presse et que ça donne des arguments aux patrons…

Corinne : Au contraire, l’implication de ces militant.e.s est très forte, ils n’ont peur de rien, ils et elles sont fidèles, ils ont la pêche. Ça nous a aidés et, personnellement, ça m’a beaucoup aidée à tenir le coup sur le long terme.

R ! Il paraît qu’un numéro de RésisteR ! dans lequel tu donnais une interview figurait à charge contre toi dans le dossier, c’est vrai ?

Corinne : Il y avait les deux numéros de RésisteR !, les deux où j’ai donné des interviews et où j’ai parlé de méthodes de flics, et tant mieux, c’était la vérité !

R ! Bon, on imagine que vous allez fêter ça entre salarié.e.s et avec les soutiens, mais il faut quand même continuer à travailler, comment ça se passe à l’UDAF après tout ça ?

Corinne : En fait cette victoire n’est qu’une étape, la pression continue : sur les 85 agents du département, cinq sont en arrêt longue maladie, trop de pression. La semaine dernière encore, avec la copine de FO on était à l’antenne de Longwy où des salariés sont en souffrance. On sent bien la volonté de faire dégager les vieilles, les vieux, les fortes têtes, les syndicalistes, et de les remplacer par des jeunes moins combatifs plus dociles et tellement contents de trouver un travail qu’ils sont prêts à accepter des charges de travail démentielles. Et tout ça se fait bien sûr au détriment du suivi des personnes en difficulté…

R ! Bravo à toi et à toutes celles et ceux qui se sont battu.e.s et ont gagné. C’est un bel exemple pour les combats qui nous attendent dès cet été contre Macron et son monde. Tenez-nous au courant !

Corinne : on n’y manquera pas, on les aura ! Mais je voudrais terminer cet entretien en remerciant chaleureusement toutes et tous pour ce soutien et particulièrement Philippe, mon conseiller syndical de Solidaires, qui a fait un travail exceptionnel ! MERCI !

Article paru dans RésisteR ! #50, le 8 juillet 2017