Nos deux ennemis. Avant comme après le 7 mai, combattre le macronisme et le lepénisme



Ni Le Pen, ni Macron ! Nous ne voulons ni l’une ni l’autre. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de différence. Aucune voix de notre camp ne se portera sur Le Pen. Quant au vote Macron, c’est peu de dire qu’on est divisés. Mais là n’est pas l’essentiel.

Depuis cinq ans les attaques se sont démultipliées : CICE, loi Macron, loi Travail, répression sans précédent des mobilisations sociales, état d’urgence, expulsions de sans-papiers… comme à chaque fois (1981, 1997), le Parti socialiste au pouvoir a géré l’Etat pour le plus grand profit de la classe dominante, réduit son électorat à trois fois rien et provoqué une hausse sans précédent des scores du Front national.

Macron est le candidat des banques et de la finance, c’est le candidat du grand patronat prêt à assurer la continuité libérale. S’il est élu le 7 mai, le quinquennat sera pire encore que celui de Hollande. Le Pen est également amie des patrons, mais elle est aussi à la tête d’un parti raciste et xénophobe, dirigé par des fascistes. Si elle est élue le 7 mai, le quinquennat sera encore pire qu’avec Macron, pour les personnes étrangères ou d’origine étrangère, les musulman.es, les Juif.ves, les homosexuel.les… et finalement pour toute la société.

Si Le Pen est élue, ce ne sera pas le fascisme version années 1930. Le FN ne s’appuie pas sur des dizaines de milliers de militants armés et organisés en milices comme l’étaient les fascistes italiens ou les nazis. Le FN s’inscrit dans cet héritage idéologique, nombre de ses cadres sont des adeptes de l’autoritarisme et de la violence politique, mais sa base électorale n’est pas sur cette ligne. En revanche, comme aux Etats-Unis avec Trump, une victoire de Le Pen confortera les racistes et les petits fachos et les encouragera à passer à l’acte contre leurs adversaires politiques comme contre toutes celles et ceux qui ne leur plaisent pas. Une victoire de Le Pen rendra plus compliquée encore l’organisation des luttes sociales, pour l’égalité des droits, par une répression accrue. Donc Le Pen, ce sera pire que Macron.

Les médias publics ou dirigés par les grands groupes ne cachent pas leur soutien à Macron. La classe dirigeante n’a pas encore choisi l’option Le Pen, la France n’est pas la Turquie. Les sondages confirment que l’ancrage de la droite et de la « gauche » libérales est plus important que le vote d’extrême droite. Ce n’est pas encore le sauve-qui-peut, et on peut encore laisser à l’électorat libéral la responsabilité de voter Macron : au moins ce sera le vote d’adhésion que Macron appelle de ses vœux. On peut leur confier ce vote tout se tenant prêt à changer de tactique si l’écart devenait plus critique. Ce n’est pas une question de morale et voter Macron ne transformera personne en suppôt du libéralisme et de la CFDT. C’est une question pragmatique. D’ailleurs certains dans notre camp, qui sont parfaitement au clair sur le fait que Macron est un ennemi, ont d’ores et déjà décidé de voter pour lui. Cela ne les privera pas plus de lutter contre Macron après le 7 mai que le vote Chirac en 2002 n’a empêché les mobilisations massives comme celle contre la loi dite « d’égalité des chances » et le CPE (contrat première embauche) en 2006.

Macron et Le Pen incarnent les deux options politiques que nous affrontons maintenant depuis plusieurs décennies. Macron, c’est l’option du capitalisme libéral qui démantèle tout : les entreprises et services publics, le droit du travail, la santé, l’université, la culture, la nature… en bref, les politiques antisociales mises en œuvre par la gauche et la droite de gouvernement depuis plus de trente ans. Le Pen, c’est l’option du capitalisme autoritaire, du repli nationaliste et de la division de notre camp sur des bases identitaires. C’est une position dont l’influence grandissante dans la société (majoritaire dans la police et la gendarmerie !) appuie les politiques répressives conduites à l’encontre des étrangers, des migrants, des Rroms, mais aussi à l’encontre des militants comme de nombreuses personnes qui s’opposent à la manière dont le monde ne va pas.

Macron et Le Pen ne constituent pas une nouveauté du printemps 2017. Ce sont les représentants de deux courants puissants qui se sont renforcés de nos défaites successives et qui se sont combinés, à des dosages divers, dans les politiques de Sarkozy ou de Valls, de Fillon ou de Hollande. Ce sont les représentants de deux courants qui vont tenter de se renforcer encore pendant le prochain quinquennat.

Au vu de la succession de nos mobilisations et défaites, nous ne pouvons pas simplement nous obstiner dans la même voie en espérant que « la prochaine sera la bonne ». De notre côté, il va aussi falloir prendre le temps de discuter et de réfléchir sur nos stratégies.

Plusieurs axes s’imposent naturellement, de la convergence des luttes à l’internationalisme en passant par un anticapitalisme, un féminisme et un antiracisme conséquents. Des ZAD aux « cortèges de tête » en passant par de nombreuses équipes syndicales et collectifs, les cadres de regroupement des expériences et de forces militantes existent et il faut les consolider. Il faut aussi aller plus loin dans l’extension du domaine de la mobilisation : reconquérir les quartiers populaires où les habitants se divisent entre replis identitaires nationaliste et religieux, conquérir une nouvelle génération pour qui le rejet du Front national est loin d’être une évidence.

En bref, propager le rejet des discriminations et des rapports de domination, ancrer les idéaux de l’émancipation, grouper les forces pour la révolution : voilà le programme !

Mercredi 3 mai 2017
Léo P.
(RésisteR !)