Lettre ouverte de la Ligue des Droits de l’Homme - section de Nancy

Nancy (54) |

La section de Nancy de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) entend attirer l’attention des citoyens de l’agglomération de Nancy sur la situation qui est faite aux déboutés du droit d’asile.

Qu’est-ce qu’un débouté ? C’est une personne ou une famille qui a demandé la protection de la France et qui s’est vue opposer un refus.

Il faut savoir qu’en France 67% des demandes d’asile sont refusées, contre une moyenne de 47% dans l’Union Européenne.

Comme l’indique le Centre Primo Levi (qui accueille et soigne des personnes ayant subi violences et tortures), parmi ces « déboutés » se trouvent des personnes qui ont été victimes de la torture ou d’autres formes de violence politique dans leur pays, et dont la vie est toujours menacée en cas de retour.

Actuellement, dans l’agglomération nancéienne, 107 familles (348 personnes) recensées sont déboutées et sous la menace d’expulsion. Il faut rappeler que ces déboutés, donc sans papiers, n’ont pas le droit de travailler et ne reçoivent aucune prestation sociale, même pour les enfants nés en France.

Les familles sont encore hébergées mais leur subsistance alimentaire n’est plus assurée depuis juin. Les enfants souffrent de cette situation et des enseignants ont été amenés à signaler le cas d’enfants qui arrivent à l’école le ventre creux.

Depuis peu, une distribution de paniers alimentaires a été mise en place sous le contrôle des autorités administratives qui déclarent que la distribution est quotidienne. Certes, l’association chargée de la distribution donne des paniers chaque jour, mais pas aux 107 familles. En réalité, chaque famille ne reçoit un panier qu’une fois par semaine.

Quel est le contenu de ces paniers distribués une fois par semaine ? Deux exemples :

- Le 10/11/2016, pour 3 personnes : 2 pommes - 1 citron - 4 sachets de purée - 3 boites de conserves de légumes - 2 boites de thon - 1 baguette de pain dur - 2 sachets d’aromates pour barbecue - 1 boite de sucre en morceaux.

- Le 17/11/2016, pour 4 personnes : 1 brique de lait - 5 pommes - 1 citron - 6 carottes - 1 boite de préparation pour mini-cakes - 1 boite de préparation pour 2 fois 8 naan indiens (sortes de galettes) - 3 boites de conserves de légumes - 1 boite de biscottes - 4 petits suisses.

De toute évidence, il s’agit de sauver les apparences pour ne pas être accusés d¹affamer ces sans papiers. L’objectif est de les pousser dans leurs derniers retranchements en comptant sur leur dénuement, leur désespoir, pour les amener à quitter « volontairement » le territoire.

On peut en effet s’interroger sur les conditions réelles dans lesquelles la force publique serait capable d’effectuer un nombre aussi considérable d’expulsions alors qu’elle est mobilisée par l’état d’urgence.

Les sans-papiers resteront donc parmi nous et ils doivent être traités humainement.

La section nancéienne de la LDH tient à souligner que la plupart de ces familles sont ici depuis plusieurs années. Elles vivent parmi nous et leurs enfants sont aux côtés des nôtres dans les écoles. La meilleure des solutions est de leur accorder le titre de séjour qui leur permettra de prendre en main leur avenir et celui de leurs enfants.

Aujourd’hui , la section nancéienne de la LDH ne peut garder le silence devant une politique absurde et cruelle menée en notre nom.

Elle rappelle les principes de la Déclaration des droits de l’Homme de 1948, article 25, 1er alinéa :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (...) »,

Ainsi que ceux de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, article 27 alinéa 3 :

« Les Etats parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l’enfant à mettre en oeuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement. »

Nancy, le 1er décembre 2016