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Nancy (54) |

Hénart arme sa police...

Hénart, maire de Nancy, et Thiel, son adjoint à la Sécurité, ont tranché : la police municipale sera armée à partir de septembre 2017. Avec des armes « létales », selon la terminologie hypocrite en vigueur. Létales, pour ne pas dire mortelles. Nancy sera donc quadrillée par des flics municipaux fraîchement recrutés qui porteront des armes mortelles à la ceinture et auront le droit de s’en servir. Tous les porte-flingue seront volontaires, auront vu un médecin et un psychologue, ils recevront un entraînement… pour dégainer plus vite et viser mieux, sans doute. Nancy communauté urbaine et humaine n’est plus qu’un Trump-l’œil : place au far-west.

Le maire n’a cependant pas l’air à l’aise dans ses nouvelles bottes de cow-boy. Ses déclarations aux médias locaux en témoignent : « Quand il y a un fait divers, on reproche à la municipalité d’être laxiste et, là, il y aurait un prétendu virage sécuritaire. Il n’y a pas un virage sécuritaire, il y a une ligne qui est la mienne. J’aurais aimé ne pas faire cette annonce. Vous pensez que j’ai apprécié […] d’organiser des minutes de silence sur la place Stanislas ? Je suis le maire de ce temps-là… » (Loractu)

Non, Laurent Hénart n’est pas la maire de ce temps-là, il est le maire de cette politique-là, qui est en effet sécuritaire.

Plus d’armes dans la ville, ça n’est pas plus de sécurité. La probabilité est, en effet, très faible que les policiers municipaux de Nancy se trouvent en situation de se servir de leurs armes face à des djihadistes. Quand bien même la ville serait la cible d’attentats, encore faudrait-il que la police municipale soit au bon moment au bon endroit. Ce n’est pas là sa marque de fabrique…

Plus d’armes, c’est en revanche la promesse de plus de coups de feu et, plus de coups de feu, c’est plus de morts, de blessés, de mutilés. Car ces policiers municipaux armés et volontaires pour l’être se retrouveront chaque fin de semaine face à des gens en goguette, pas toujours très fins ni très malins et encore moins polis. Ces policiers armés et volontaires pour l’être se retrouveront régulièrement face à des gens qu’ils soupçonneront d’être des délinquants. Ces policiers armés et volontaires pour l’être se retrouveront régulièrement face à des étrangers, avec ou sans papiers, qui ne comprendront pas les ordres qu’ils s’autoriseront à leur donner. Ils se retrouveront face à des manifestants, face à toutes sortes de gens qu’ils détestent et dont ils réprouvent les agissements, la présence et, parfois, l’existence même. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils se sont engagés dans la police.

Hénart le sent bien qui se prépare déjà aux bavures en déclarant aux mêmes médias : « La police municipale est là pour protéger les Nancéiens… Si l’un d’eux devait perdre la vie parce que mon agent n’était pas armé, je me le reprocherais… Tout comme je me reprocherai (sic !) si un concitoyen venait à perdre la vie suite à un malheureux concours de circonstances… » (L’Est républicain du 24 novembre 2016)

Nancy, paisible préfecture, va donc voir en quelques mois se multiplier en son sein les individus porteurs d’armes mortelles : policiers nationaux en service et désormais en dehors des heures de service, militaires en patrouille et, maintenant, policiers municipaux, sans oublier les inévitables dingues de la gâchette et autres malfrats, qui existent partout. II y a de quoi plomber notre avenir, surtout si on ajoute à cet arsenal ambulant les armes (non létales) des employés de toutes les entreprises de sécurité, qui prospèrent depuis les attentats. La violence devient peu à peu légitime et banale.

Il est douteux que les fusils de Hénart fassent peur aux tarés du djihad, mais ils feront à coup sûr leur effet sur le commun des mortels, comme ils feront le bonheur de toutes celles et tous ceux qui font leur beurre sur la peur. La Ville de Nancy va investir plus de 300 000 euros d’argent public (qui n’iront ni dans les écoles ni dans l’accueil des sans-abri) dans le programme d’armement de sa police (Loractu). On ne parlera pas ici des profits politiques qu’en tireront les agités de la patrie, de la nation et de l’identité, ni de la légitimation de l’état d’urgence permanent : la nausée nous accable déjà…

Hénart et Thiel vont aussi investir l’argent public dans de nouvelles caméras de surveillance, ils auraient pourtant pu méditer les propos imbéciles que Christian Estrosi, président de la région PACA et ex-maire de Nice, a tenus après les attentats contre Charlie Hebdo, en janvier 2015 : « Avec une caméra pour 343 habitants [à Nice, alors qu’] à Paris, il y en a 1 pour 1 532, je suis à peu près convaincu que si Paris avait été équipée du même réseau que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient passé trois carrefours sans être neutralisés et interpellés. » (Huffingtonpost du 16 juillet 2016)

Est-il besoin de rappeler que même avant les attentats, à Paris comme à Nice, les effectifs de policiers nationaux ou municipaux armés étaient pléthoriques ?

Il n’est pas besoin de rappeler ce qui advint.

Victor K

Article paru dans RésisteR ! #46, décembre 2016